The conversation | 9 mars 2017
La consommation collaborative – qui désigne les pratiques augmentant l’usage d’un bien ou d’un service, par le partage, l’échange, le troc, la vente ou la location de celui-ci, avec et entre particuliers – s’est rapidement développée ces dernières années. Elle suscite de nombreux espoirs, tant économiques et sociaux (gisement de croissance, sens donné aux échanges et lien social) qu’environnementaux. Cela étant, elle pose de nouveaux défis à l’autorité publique et aux entreprises, notamment sur les questions juridiques et fiscales, comme en témoigne un récent rapport sur le sujet.
Ces nouvelles formes de consommation posent également des questions inédites quant à leur impact environnemental. Un travail pionnier, publié en 2014, formalise ces interrogations et propose des pistes de réflexion sur la contribution de l’économie du partage à la transition énergétique.
C’est à la suite de ces réflexions et des derniers travaux prospectifs de l’Ademe sur l’allègement de l’empreinte environnementale de la consommation des ménages français, qu’une nouvelle étude dont les résultats sont rendus publics ce jour, analyse les impacts environnementaux des pratiques collaboratives.
Ces dernières peuvent-elles permettre, comparativement aux pratiques de consommation dites conventionnelles, de réduire certains impacts environnementaux ?
De nouveaux usages largement partagés
La consommation collaborative a connu une forte expansion, à l’image du covoiturage longue distance, presque inexistant il y a encore quelques années. La communauté d’utilisateurs se compte aujourd’hui en millions : 24 % des personnes âgées de 18 ans et plus utilisent le covoiturage longue distance de temps en temps. Néanmoins, l’importance de la consommation collaborative est à relativiser.
La part du covoiturage dans les déplacements de longue distance se serait par exemple élevée à 3 % en France en 2014. Et, selon le Credoc, le montant issu de la vente d’objets entre particuliers s’établissait en France à 300 millions d’euros (M€) en 2013, contre 100 milliards d’euros (Md€) pour les professionnels du secteur. Les achats alimentaires réalisés au sein d’une communauté d’acheteurs particuliers s’élevaient, eux, à 70 M€ en 2014, contre plus de 200 Md€ pour l’ensemble des achats de biens alimentaires des ménages. Enfin, la part de la location entre particuliers représentait, en 2014, 0,7 % du marché de la location courte durée.
Contrairement à certaines idées reçues, la consommation collaborative ne s’adresse pas uniquement aux étudiants, jeunes actifs et aux urbains. Trois profils se dégagent toutefois.
Ainsi, les étudiants apparaissent plus disposés que la moyenne à effectuer des achats de biens entre particuliers. Ils sont 42 %, contre 15 % pour les retraités à le faire au moins une fois par trimestre. Ils sont également plus nombreux à déclarer proposer ou solliciter des services entre particuliers (83 %, contre 55 % pour les retraités). De même, les familles, à l’inverse des célibataires, sont très actives en matière de pratiques collaboratives. Elles sont, par exemple, plus de 60 % à déclarer effectuer des achats ou des ventes de biens entre particuliers, contre 43 % pour les célibataires. Enfin, les personnes indiquant avoir un engagement bénévole régulier, soit 18 % des Français en 2013, sont actives dans une multitude de pratiques liées à cette consommation.
Dans tous les cas, même s’il ne constitue pas la seule motivation, le motif économique explique pour une large part le passage à l’acte : 67 % des Français interrogés sur leurs motivations citent le fait de gagner de l’argent ou faire des économies, bien avant la protection de l’environnement.
Un bilan environnemental qui varie fortement
La première phase de notre étude a permis de confirmer à la fois l’ampleur et l’hétérogénéité du phénomène de consommation collaborative, ainsi que son dynamisme. En outre, les analyses de cycle de vie quantitatives sur une douzaine de pratiques de consommation collaborative sélectionnées ont révélé que « le bilan environnemental » varie fortement d’une pratique à l’autre, et selon l’impact environnemental étudié.
Néanmoins pour certaines d’entre elles, les réductions d’impact ont été difficiles à identifier, et dans certains cas, se sont même révélées négatives : il a été constaté une augmentation de l’impact dû à ces pratiques. Mais pour ces cas, la faible disponibilité des données n’a pas permis de conclure définitivement.
La mobilité partagée
Parmi l’ensemble des pratiques de consommation collaborative, la mobilité partagée, et plus particulièrement la mobilité partagée sur courte distance, offre un potentiel de réduction d’impacts particulièrement intéressant.
Ainsi, le covoiturage de courte distance – en particulier celui effectué pour se déplacer du domicile au lieu de travail – peut permettre de diviser par 2 les impacts environnementaux. Ce type de déplacement, souvent très difficile à éviter, se substitue en effet à plus de 80 % à des déplacements effectués en voiture peu remplies (en moyenne 1,07 passager par trajet). L’augmentation du taux de remplissage permise par le covoiturage de courte distance entraîne donc une réduction importante des impacts.
En ce qui concerne la mobilité de longue distance, avec 1,92 passager par trajet en moyenne, le taux de remplissage actuel des voitures, bien que faible dans l’absolu, reste relativement élevé comparé aux trajets de courte distance. Aussi, les réductions d’impacts, au niveau d’une unité de service rendu (effectuer un kilomètre de trajet longue distance), sont évaluées à environ un tiers comparé au mix de transport de longue distance moyen observé aujourd’hui, et à environ 10 % si l’on prend en compte le fait que nombre de covoitureurs eussent voyagé en train sinon et que certains n’auraient pas voyagé en l’absence de cette offre.
Le réemploi d’objets
Le réemploi d’objets offre une autre piste digne d’intérêt. Il existe ainsi un gisement important de réduction d’impacts environnementaux sur les produits pour lesquels la phase de production et/ou de fin de vie porte une part significative de ces impacts. C’est le cas du mobilier, des produits audiovisuels de loisir et informatiques. À l’inverse, pour des produits qui génèrent la majeure partie de leurs impacts environnementaux lors de leur utilisation, comme l’électroménager, les gains offerts par le réemploi sont moindres. Ce gisement sera d’autant plus élevé, que l’écart entre la durée de vie théorique du bien (durée de vie jusqu’à son usure physique) et sa durée de vie effective (durée réelle d’usage du bien) est important.
La durée de seconde vie des produits est ainsi déterminante pour le niveau du gain environnemental : une tablette informatique dont la durée d’utilisation passe de 2 à 4 ans permet d’améliorer de près de 50 % son bilan environnemental. Pour une durée prolongée de 4 à 6 ans, le gain est de 25 % environ.
On peut enfin noter que pour les pratiques de location entre particuliers, les impacts de la logistique de transmission du bien sont déterminants. Dans le cas de la location ou du prêt de tondeuse entre trois particuliers par exemple, la logistique nécessaire pour le transport induit des impacts négatifs qui peuvent dégrader significativement le bilan environnemental de la pratique collaborative par rapport à la pratique conventionnelle (utiliser un bien équivalent acheté) : +60 % d’impact sur l’indicateur CO2 notamment.
Un bilan nuancé
Compte tenu de la disponibilité des données, il demeure difficile d’évaluer précisément les impacts des différentes pratiques de la consommation collaborative, et le niveau de confiance dans les résultats est variable. Le gain environnemental dépend dans tous les cas fortement de la pratique conventionnelle à laquelle la pratique collaborative est substituée, de la logistique de partage et de la durée de vie des produits réemployés. En tous cas, consommer de manière collaborative ne signifie pas automatiquement « consommer responsable ». En tant que consommateur, on doit intégrer la consommation collaborative à une réflexion permanente sur le « mieux consommer ».
Par ailleurs, l’étude montre que la place de la consommation collaborative dans la consommation en général et, en conséquence, son potentiel de réduction des impacts environnementaux sont à relativiser. Ainsi, l’apport des technologies et les évolutions de la société française restent déterminants pour diminuer les impacts environnementaux de la consommation des Français en 2030.
Certaines pratiques bien identifiées offrent néanmoins un potentiel de réduction d’impacts environnementaux intéressant. Le partage de mobilité d’un côté, et le réemploi d’objets de l’autre, figurent parmi l’ensemble des pratiques collaboratives, celles qui ouvrent les perspectives les plus intéressantes sur le plan environnemental. Ainsi, la consommation collaborative élargit le champ des possibles.
La consommation collaborative – qui désigne les pratiques augmentant l’usage d’un bien ou d’un service, par le partage, l’échange, le troc, la vente ou la location de celui-ci, avec et entre particuliers – s’est rapidement développée ces dernières années. Elle suscite de nombreux espoirs, tant économiques et sociaux (gisement de croissance, sens donné aux échanges et lien social) qu’environnementaux. Cela étant, elle pose de nouveaux défis à l’autorité publique et aux entreprises, notamment sur les questions juridiques et fiscales, comme en témoigne un récent rapport sur le sujet.
Ces nouvelles formes de consommation posent également des questions inédites quant à leur impact environnemental. Un travail pionnier, publié en 2014, formalise ces interrogations et propose des pistes de réflexion sur la contribution de l’économie du partage à la transition énergétique.
C’est à la suite de ces réflexions et des derniers travaux prospectifs de l’Ademe sur l’allègement de l’empreinte environnementale de la consommation des ménages français, qu’une nouvelle étude dont les résultats sont rendus publics ce jour, analyse les impacts environnementaux des pratiques collaboratives.
Ces dernières peuvent-elles permettre, comparativement aux pratiques de consommation dites conventionnelles, de réduire certains impacts environnementaux ?
De nouveaux usages largement partagés
La consommation collaborative a connu une forte expansion, à l’image du covoiturage longue distance, presque inexistant il y a encore quelques années. La communauté d’utilisateurs se compte aujourd’hui en millions : 24 % des personnes âgées de 18 ans et plus utilisent le covoiturage longue distance de temps en temps. Néanmoins, l’importance de la consommation collaborative est à relativiser.
La part du covoiturage dans les déplacements de longue distance se serait par exemple élevée à 3 % en France en 2014. Et, selon le Credoc, le montant issu de la vente d’objets entre particuliers s’établissait en France à 300 millions d’euros (M€) en 2013, contre 100 milliards d’euros (Md€) pour les professionnels du secteur. Les achats alimentaires réalisés au sein d’une communauté d’acheteurs particuliers s’élevaient, eux, à 70 M€ en 2014, contre plus de 200 Md€ pour l’ensemble des achats de biens alimentaires des ménages. Enfin, la part de la location entre particuliers représentait, en 2014, 0,7 % du marché de la location courte durée.
Contrairement à certaines idées reçues, la consommation collaborative ne s’adresse pas uniquement aux étudiants, jeunes actifs et aux urbains. Trois profils se dégagent toutefois.
Ainsi, les étudiants apparaissent plus disposés que la moyenne à effectuer des achats de biens entre particuliers. Ils sont 42 %, contre 15 % pour les retraités à le faire au moins une fois par trimestre. Ils sont également plus nombreux à déclarer proposer ou solliciter des services entre particuliers (83 %, contre 55 % pour les retraités). De même, les familles, à l’inverse des célibataires, sont très actives en matière de pratiques collaboratives. Elles sont, par exemple, plus de 60 % à déclarer effectuer des achats ou des ventes de biens entre particuliers, contre 43 % pour les célibataires. Enfin, les personnes indiquant avoir un engagement bénévole régulier, soit 18 % des Français en 2013, sont actives dans une multitude de pratiques liées à cette consommation.
Dans tous les cas, même s’il ne constitue pas la seule motivation, le motif économique explique pour une large part le passage à l’acte : 67 % des Français interrogés sur leurs motivations citent le fait de gagner de l’argent ou faire des économies, bien avant la protection de l’environnement.
Un bilan environnemental qui varie fortement
La première phase de notre étude a permis de confirmer à la fois l’ampleur et l’hétérogénéité du phénomène de consommation collaborative, ainsi que son dynamisme. En outre, les analyses de cycle de vie quantitatives sur une douzaine de pratiques de consommation collaborative sélectionnées ont révélé que « le bilan environnemental » varie fortement d’une pratique à l’autre, et selon l’impact environnemental étudié.
Néanmoins pour certaines d’entre elles, les réductions d’impact ont été difficiles à identifier, et dans certains cas, se sont même révélées négatives : il a été constaté une augmentation de l’impact dû à ces pratiques. Mais pour ces cas, la faible disponibilité des données n’a pas permis de conclure définitivement.
La mobilité partagée
Parmi l’ensemble des pratiques de consommation collaborative, la mobilité partagée, et plus particulièrement la mobilité partagée sur courte distance, offre un potentiel de réduction d’impacts particulièrement intéressant.
Ainsi, le covoiturage de courte distance – en particulier celui effectué pour se déplacer du domicile au lieu de travail – peut permettre de diviser par 2 les impacts environnementaux. Ce type de déplacement, souvent très difficile à éviter, se substitue en effet à plus de 80 % à des déplacements effectués en voiture peu remplies (en moyenne 1,07 passager par trajet). L’augmentation du taux de remplissage permise par le covoiturage de courte distance entraîne donc une réduction importante des impacts.
En ce qui concerne la mobilité de longue distance, avec 1,92 passager par trajet en moyenne, le taux de remplissage actuel des voitures, bien que faible dans l’absolu, reste relativement élevé comparé aux trajets de courte distance. Aussi, les réductions d’impacts, au niveau d’une unité de service rendu (effectuer un kilomètre de trajet longue distance), sont évaluées à environ un tiers comparé au mix de transport de longue distance moyen observé aujourd’hui, et à environ 10 % si l’on prend en compte le fait que nombre de covoitureurs eussent voyagé en train sinon et que certains n’auraient pas voyagé en l’absence de cette offre.
Le réemploi d’objets
Le réemploi d’objets offre une autre piste digne d’intérêt. Il existe ainsi un gisement important de réduction d’impacts environnementaux sur les produits pour lesquels la phase de production et/ou de fin de vie porte une part significative de ces impacts. C’est le cas du mobilier, des produits audiovisuels de loisir et informatiques. À l’inverse, pour des produits qui génèrent la majeure partie de leurs impacts environnementaux lors de leur utilisation, comme l’électroménager, les gains offerts par le réemploi sont moindres. Ce gisement sera d’autant plus élevé, que l’écart entre la durée de vie théorique du bien (durée de vie jusqu’à son usure physique) et sa durée de vie effective (durée réelle d’usage du bien) est important.
La durée de seconde vie des produits est ainsi déterminante pour le niveau du gain environnemental : une tablette informatique dont la durée d’utilisation passe de 2 à 4 ans permet d’améliorer de près de 50 % son bilan environnemental. Pour une durée prolongée de 4 à 6 ans, le gain est de 25 % environ.
On peut enfin noter que pour les pratiques de location entre particuliers, les impacts de la logistique de transmission du bien sont déterminants. Dans le cas de la location ou du prêt de tondeuse entre trois particuliers par exemple, la logistique nécessaire pour le transport induit des impacts négatifs qui peuvent dégrader significativement le bilan environnemental de la pratique collaborative par rapport à la pratique conventionnelle (utiliser un bien équivalent acheté) : +60 % d’impact sur l’indicateur CO2 notamment.
Un bilan nuancé
Compte tenu de la disponibilité des données, il demeure difficile d’évaluer précisément les impacts des différentes pratiques de la consommation collaborative, et le niveau de confiance dans les résultats est variable. Le gain environnemental dépend dans tous les cas fortement de la pratique conventionnelle à laquelle la pratique collaborative est substituée, de la logistique de partage et de la durée de vie des produits réemployés. En tous cas, consommer de manière collaborative ne signifie pas automatiquement « consommer responsable ». En tant que consommateur, on doit intégrer la consommation collaborative à une réflexion permanente sur le « mieux consommer ».
Par ailleurs, l’étude montre que la place de la consommation collaborative dans la consommation en général et, en conséquence, son potentiel de réduction des impacts environnementaux sont à relativiser. Ainsi, l’apport des technologies et les évolutions de la société française restent déterminants pour diminuer les impacts environnementaux de la consommation des Français en 2030.
Certaines pratiques bien identifiées offrent néanmoins un potentiel de réduction d’impacts environnementaux intéressant. Le partage de mobilité d’un côté, et le réemploi d’objets de l’autre, figurent parmi l’ensemble des pratiques collaboratives, celles qui ouvrent les perspectives les plus intéressantes sur le plan environnemental. Ainsi, la consommation collaborative élargit le champ des possibles.
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