dimanche 2 février 2014

Qu'attendre d'un séminaire des « contreparties » avec le gouvernement ?

Tribune libre par Frédéric Lutaud, membre du Bureau national pour la motion 4

Les militants de la motion 4 se sont exprimés. Ils ont clairement signifié que la politique économique du gouvernement n’est pas la solution à la crise. Je salue leur lucidité et le respect de nos engagements dans cette consultation qui fait honneur à la vie démocratique de notre motion. Je n’ai pas connaissance d’une consultation similaire dans les autres motions, mais je ne serai pas surpris du courage politique des militants du Parti socialiste si la direction se prêtait à l’exercice.

La ligne politique de notre motion menée par le Bureau national sort renforcée. Depuis des mois, nous mettons en garde la direction du Parti socialiste sur la dérive libérale du gouvernement. L’allongement des cotisations retraites, le refus d’encadrer les salaires, le renoncement à la séparation des banques de dépôt et des banques d’affaires, une politique de l’emploi sans solution contre le chômage de masse, l’austérité budgétaire… Bref, autant de mesures qui préfiguraient la « politique de l’offre » annoncée par François Hollande.

Nous savons que, sans partage du travail, nous ne surmonterons pas le chômage de masse, sans mesure en faveur de la part des salaires, il n’y aura pas relance de la demande qui fait tant défaut à nos PME, sans justice fiscale pas d’égalité républicaine. Sans une implication forte de l’Etat dans les investissements d’avenir, les entreprises tenues par des exigences de rentabilité à court terme n’engageront pas la transition écologique nécessaire à un modèle de développement durable.


Les inégalités se creusent : 50% de SDF de plus en 3 ans, 900 000 français sont tombés dans la pauvreté, 3 millions de salariés victimes de surmenage au travail, les salaires stagnent et le chômage de masse continue d’augmenter. Inversement, la rémunération moyenne des dirigeants du CAC 40 a augmenté de 21%, les dividendes ont augmenté de 100% depuis 2008, les 500 plus grosses fortunes économiques de France ont amélioré leurs revenus de 25% et la France affiche le record de millionnaires en Europe. La "politique de l'offre" n'apporte aucune réponse à la concentration des richesses.

Les membres du Bureau national de la motion 4, Patrick Ardoin, Marie Bidaud, Maryse Martin et moi-même, sommes invités le 10 février à participer au séminaire du Bureau national du Parti socialiste en présence du Premier ministre Jean-Marc Ayrault pour débattre et réfléchir sur les « contreparties » attendues des entreprises.

Nous y porterons, bien entendu, les engagements de la motion 4. Je reste néanmoins sceptique sur les mesures salutaires qui pourraient en découler. Les « contreparties » laisseraient entendre qu’il pourrait un avoir un « gagnant gagnant » dans la politique de l’offre du gouvernement. D'abord, nous distinguons clairement les PME et la politique des grands groupes qui captent à leur profits les marges de leurs prestataires et les empêche de se développer. Ensuite, nous savons que 65% des emplois détruits dans l’industrie depuis 2000 sont dus à des gains de productivité. Nous savons aussi que la « compétitivité » de notre offre industrielle, qui n’a rien à voir avec la baisse du coût du travail, ne résoudra pas le chômage de masse. Le patronat ne concèdera aucune contrepartie s'il n'y est pas contraint. Le gouvernement doit légiférer sur la durée légale du temps de travail. Le problème est avant tout structurel, dans un capitalisme financier qui s’évertue à démanteler nos protections sociales pour s’ouvrir de nouveaux marchés et accentue la concurrence généralisée des salariés entre eux afin de maximiser ses profits. Tant que François Hollande n’engagera pas le rapport de force nécessaire avec « son adversaire la finance », il n’y aura pas de sortie de crise. A la démesure de la puissance financière doit être opposée la mesure de la puissance publique.

Ce qui nous inquiète au plus haut point, c’est le déficit démocratique avec lequel François Hollande dirige la politique économique du pays. Alors que notre motion citoyenne demande que la population, les associations, les syndicats, nos élus soient étroitement associés à la construction du changement, l’Elysée s’enferme dans les coulisses du pouvoir de la Ve République pour décider seul de la marche à suivre. Un « observatoire » ou un « séminaire de réflexion » des contreparties sur « un pacte de responsabilité » inefficace ne dispensera pas d'une action publique courageuse de la puissance publique en faveur de la répartition des richesses et de la lutte contre le réchauffement climatique impliquant tous les acteurs de la société civile.

Les membres du Bureau national participeront au séminaire en présence du Premier ministre mais non sans avoir averti les militants de la motion4 de l’insuffisance du cadre qui nous est fourni. Fidèle à l’opinion exprimée par nos militants, nous continuerons à demander un changement de cap.


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