vendredi 21 février 2014

Cette statistique allemande si inquiétante pour la zone euro


Les salaires réels allemands ont reculé de 0,2 % en 2013. Une très mauvaise nouvelle pour l'avenir de la zone euro.

Il est certaines statistiques qui sont plus parlantes que bien des discours. Ainsi en est-il celle publiée ce jeudi matin par Destatis, l'Office fédéral allemand des Statistiques. Le recul de 0,2 % des salaires bruts réels en Allemagne en 2013 est la preuve qu'il n'y a pas outre-Rhin de réel rééquilibrage du modèle économique.


Le modèle exportateur repart de plus belle

Comme à son habitude, l'économie allemande a donc compensé le ralentissement de l'activité (+0,4 % en 2013) par une réduction des salaires. Ceci a évidemment permis de maintenir la compétitivité des produits allemands et explique en grande partie la reprise vigoureuse des exportations et le fait que, pour les années à venir, l'Allemagne va à nouveau dépendre du moteur extérieur pour sa croissance.

Malgré les discours du gouvernement allemand et de ses partenaires européens, l'Allemagne n'a jamais réellement modifié son modèle de croissance. En 2012, les salaires réels avaient progressé de 0,5 % seulement avec une croissance de 0,7 %. En 2011, la hausse de 1,2 % des salaires réels avait été bien en deçà de la croissance de 3,3 %. Plus que jamais donc, l'Allemagne comprime les salaires pour améliorer sa compétitivité.

Pas de rééquilibrage de la croissance allemande

Il faut donc abandonner une fois pour toute l'idée que l'Allemagne va « rééquilibrer » sa croissance en favorisant plus la consommation et l'investissement. La consommation des ménages a certes soutenu la croissance en 2013, mais sa contribution à la croissance a été inférieure à celle de 2012. On comprend à présent pourquoi. De même, l'investissement n'est pas une priorité pour les entreprises allemandes qui ont considérablement réduit leurs dépenses en ce domaine au cours des deux dernières idées et qui, selon une étude récente de la chambre de commerce et d'industrie, la DIHK, n'envisagent guère d'investir davantage en 2014.

Pas de « moteur allemand »

Les conséquences de ce modèle sont considérables et inquiétantes. L'Allemagne ne sera pas le « moteur » de la croissance de la zone euro. Sa demande restera toujours inférieure à sa croissance, la transmission de la croissance allemande au reste de l'Europe va demeurer faible. Les exportations des pays du Sud vont, certes, parce qu'ils ont désormais un avantage prix important, profiter dans un premier temps de la demande allemande, mais il convient de noter deux éléments. D'abord, cette demande restera limitée et sans doute peu à même de relancer la demande intérieure de ces pays de façon durable. Ensuite, la demande allemande étant faible, il y aura sans doute un élément de substitution des importations allemandes des pays les plus « chers » vers les pays les plus « pauvres. » Autrement dit, les gains de part de marché des entreprises espagnoles ou portugaises se feront au détriment d'entreprises françaises ou italiennes. Il n'y a pas de place pour tout le monde…

L'impossible concurrence face à l'Allemagne

Car, malgré leurs efforts, les pays « périphériques » et certains pays comme la France ou l'Italie ne vont pas pouvoir s'imposer sur les marchés extérieurs. L'Allemagne, en augmentant encore sa compétitivité relative déjà considérablement plus élevée, condamne ses concurrents de la zone euro à une baisse considérable des prix pour tenter de maintenir ses parts de marché. Autrement dit, puisque l'arme monétaire n'existe pas pour eux, à une compression majeure des salaires ou des taxes. Dans les deux cas, cela signifie la poursuite de la politique d'austérité ainsi qu'une longue déflation et, au final, un appauvrissement des pays de la zone euro relativement à l'Allemagne.

Il y aurait certes bien une alternative : l'innovation et la qualité. Mais pour concurrencer les Allemands dans ce domaine, il faut des moyens dont les marges des entreprises de la zone euro hors Allemagne ne disposent pas. Sans parler des investissements publics dans ce domaine, condamnés à être comprimés également, pacte budgétaire européen oblige.

Avenir sombre pour la zone euro

Certes, cette situation est idéale pour l'Allemagne qui, ainsi, se découple de plus en plus du reste de la zone euro, comme le prouve les prévisions de croissance du pays. Mais cette simple statistique dresse donc un tableau bien sombre de l'avenir de la zone euro. Elle permet également de douter de l'effet du salaire minimum unique outre-Rhin. Dépendants des exportations, les entreprises allemandes n'accepteront certainement pas de voir leur compétitivité réduite. Elles réagiront sur l'emploi et par la modération salariale.

Responsabilité allemande

Enfin, ce chiffre permet de relativiser le discours moralisateur constant de l'Allemagne - notamment vis-à-vis de la France. L'Allemagne a bel et bien sa part de responsabilité dans les difficultés de la zone euro. Et elle en a d'autant plus qu'elle entraîne la région dans une stratégie qui semble faire fi des erreurs du passé. Cette stratégie désormais soutenue ouvertement par le gouvernement français est celle d'une « course à l'échalote » de la compétitivité qui semble perdue d'avance. Chaque pays va tenter de baisser ses coûts pour se partager la faible demande allemande. Et tout le monde s'appauvrira. La sortie de la zone euro apparaîtra alors comme la seule solution. Dans ce cas, l'Allemagne aura une responsabilité considérable face à l'histoire.

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