dimanche 9 février 2014

La fronde de l’aile gauche du Parti socialiste


Pas sûr que la grande réunion de famille se termine par un banquet fraternel. Le Parti socialiste organise lundi 10 février un séminaire « ouvert aux parlementaires » pour discuter du pacte de responsabilité annoncé par François Hollande en janvier. Intitulée « Réussir le pacte de responsabilité pour la France », cette réunion, prévue à la Maison de la chimie à Paris, sera « un lieu de débat et de travail entre socialistes », explique le premier secrétaire, Harlem Désir. Pourtant, le programme peut laisser penser que la place accordée audit débat sur ce tournant économique majeur du quinquennat sera maigre.

Sous l'autorité du premier ministre, Jean-Marc Ayrault, les différentes interventions du séminaire donnent en effet la parole à des ministres (Michel Sapin) et des personnalités du PS (Bruno Le Roux, Claude Bartolone, Harlem Désir, entre autres) toutes favorables au pacte passé par l'exécutif avec les syndicats et le Medef. Une répartition des expressions qui a mis en rage l'aile gauche du parti, plus critique sur ce contrat social.

Dans un courrier adressé jeudi à M. Désir, que Le Monde s'est procuré, Marie-Noëlle Lienemann et Julien Dray, deux figures de l'aile gauche du PS, reprochent au premier secrétaire d'« éluder » le débat en organisant une « opération de communication » en soutien de la politique gouvernementale. « A notre grand déplaisir, nous constatons que ce qui devait être logiquement une réunion de travail du bureau national du Parti socialiste pour construire ensemble des solutions politiques se transforme en fin de compte en un véritable show », écrivent-ils.

« VÉRITABLE MASCARADE »

Mme Lienemann et M. Dray dénoncent une « grand-messe qui ne permettra pas l'échange approfondi, franc et lucide que la situation impose entre nous » et se désolent que les dirigeants du PS soient « réduits au rôle de commentateurs a posteriori des décisions » gouvernementales. « Ce séminaire est une véritable mascarade, explique Mme Lienemann au Monde. Ils ont peur d'entendre nos arguments parce qu'ils savent qu'ils sont en décalage avec notre base. Plus le temps passe et plus notre électorat et nos militants doutent du pacte, ils voient bien que ce n'est pas du donnant-donnant et que le Medef est en train d'imposer ses vues. »

M. Désir rétorque que « toutes les sensibilités du PS sont associées au séminaire ». Mais le patron de la Rue de Solférino, qui a reçu l'ensemble des partenaires sociaux, précise que « l'objectif en est la réussite du pacte, pas sa remise en cause ». « Le parti est très mobilisé, car le pays a besoin d'une politique de soutien à l'offre », explique M. Désir.

Parmi les points qui fâchent, figurent les contreparties en termes d'emplois aux 30 milliards d'euros d'exonération de cotisations familiales pour les entreprises. François Hollande a déclaré en janvier qu'il voulait des contreparties « claires, précises, mesurables et vérifiables », mais sans donner d'objectifs chiffrés. L'Elysée souhaite désormais que la mise en œuvre du pacte de responsabilité s'accélère. Dans ce sens, le premier ministre a demandé aux partenaires sociaux de faire des propositions avant la fin du mois.

Dans cette perspective, pas question de s'embarquer dans un débat interne à la majorité sur les engagements patronaux, à l'image de celui qui avait eu lieu sur la réforme des retraites au printemps 2013. « Il ne faut pas que le soufflé retombe. Il y aura toujours des mécontents qui continueront de parler comme Mélenchon, mais l'aile gauche du parti, on s'en fout, elle n'a pas de rôle à jouer là-dedans », renvoie en privé un ministre proche du chef de l'Etat.

Loin d'en critiquer telle ou telle modalité, le flanc gauche du PS, qui plaide pour une relance par la demande, conteste le bien-fondé même du pacte. « On en rejette les deux présupposés fondamentaux, explique Emmanuel Maurel, leader de l'aile gauche. On ne croit pas que l'exonération de cotisations familiales puisse relancer la compétitivité et on refuse la baisse des dépenses publiques pour financer celle du coût du travail. »

Selon nos informations, l'aile gauche socialiste réfléchit à une lettre de mise en garde au gouvernement qu'elle rendrait publique lundi avant le séminaire. Elle souhaiterait y associer les élus proches du ministre Benoît Hamon, membres du courant Un monde d'avance. Plusieurs d'entre eux ne masquent pas leurs critiques contre le tournant de l'Elysée, comme le député Pouria Amirshahi, qui,dans Le Journal du dimanche du 1er février, a invité le PS à « prendre un autre chemin », estimant que le pacte de responsabilité « risque d'entraîner une baisse du niveau de vie de la majorité des citoyens ».

CONTREPARTIES « MASSIVES »

Si la fronde interne devait prendre de l'ampleur, elle pourrait aussi rallier les proches de Martine Aubry, réunis dans le club parlementaire de la Gauche durable, qui pour l'instant ne remettent pas en cause le pacte, mais réclament, à l'instar du député de la Nièvre Christian Paul, des contreparties « massives, évaluables, chiffrables, mesurables en temps réel ».

A l'été 2013, ces différentes sensibilités socialistes, avec l'autre club de la Gauche populaire, avaient fait bouger les lignes en lançant un appel commun pour « la mise en œuvre d'une grande réforme fiscale ». Un tel front peut-il se reformer sur la base sociale du pacte de responsabilité ? « Le PS n'est pas unanime sur ce pacte, il faut que toutes les voix critiques se fassent entendre », répond M. Maurel.


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