mercredi 5 février 2014

Pire que l’autre, la nouvelle science économique

Longtemps, les économistes classiques ont élaboré leurs modèles comme si les humains étaient des machines à calculer. Echec. Nourrie de psychologie, l’économie dite comportementale étudie donc nos réactions et nos décisions afin de les anticiper. Et de les influencer par des incitations subtiles. Il suffirait en effet d’un simple coup de pouce pour remettre travailleurs et consommateurs sur le droit chemin.


La théorie économique dominante, dite « néoclassique », vit des jours difficiles. Non seulement les liens incestueux de ses spécialistes avec les institutions financières sont révélés (1), mais leur responsabilité dans la dernière crise éclate au grand jour. L’autorégulation se justifiait, avaient coutume d’expliquer les maîtres incontestés de la discipline, par la parfaite efficience des marchés, elle-même découlant de la rationalité sans faille des agents. Un conte pour enfants sages mis à mal par la crise financière.

L’invalidation spectaculaire de la doctrine dominante ne fait cependant pas que des malheureux dans la profession. Certains courants alternatifs, au passif prétendument moins chargé, se frottent les mains. L’un d’eux semble particulièrement bien placé pour devenir la nouvelle doctrine dominante : la behavioral economics (BE), ou économie comportementale.

Cette école, tout en restant compatible avec la plupart des postulats de la science économique orthodoxe, incorpore les enseignements de la psychologie comportementale. C’est pourquoi de nombreux économistes néoclassiques misent sur elle pour redorer le blason de l’ensemble de la profession. M. Jean-Claude Trichet, l’ancien président de la Banque centrale européenne (BCE), les y encourage :« La principale leçon que je tire de notre expérience est qu’il est dangereux de dépendre d’un seul outil, déclarait-il lors d’une conférence de la BCE en 2010. Nous devons développer des outils complémentaires pour améliorer la robustesse de notre cadre. Pour commencer, nous devons réfléchir à la manière dont on caractérise l’Homo œconomicus au cœur de tout modèle. (…) La behavioral economics s’appuie sur la psychologie pour expliquer les décisions prises dans un contexte de crise. » M. Trichet omettait de dire que, traduite en termes politiques, cette théorie pourrait s’avérer plus dangereuse encore que celle dont elle prétend corriger les erreurs.

La BE avance des affirmations a priori évidentes, mais que les disciples du théoricien libéral Milton Friedman se sont évertués à nier : les agents économiques ne sont pas des êtres impeccablement rationnels qui prennent les décisions les mieux à même de maximiser leur propre intérêt. D’une part, ils se laissent guider par des émotions, des croyances, des intuitions, ou opèrent des raccourcis de raisonnement. D’autre part, ils ne cherchent pas seulement à accroître leurs propres gains : les normes morales et sociales les incitent parfois à se montrer coopératifs, voire altruistes.

Les investisseurs financiers n’échappent pas à l’emprise des biais cognitifs. Ils peuvent en particulier adopter un comportement mimétique, souffrir d’un excès de confiance ou se laisser influencer par des anticipations exubérantes ou des crises de panique. Et, même si certains investisseurs sont vraiment rationnels, ils peuvent rarement prendre le risque d’aller à contre-courant du marché. Les implications de tels phénomènes portent un coup fatal à la thèse de l’efficience des marchés, intimement solidaire de celle de la rationalité des agents. De fait, les bulles et krachs successifs illustrent assez à quel point les marchés de capitaux peuvent battre la campagne. Au premier abord, il faut donc au moins accorder à la BE qu’elle n’a pas froid aux yeux, car elle s’attaque frontalement aux deux piliers de la finance néoclassique.

L’idée que les marchés ne sont pas des miracles d’efficience, et que nous ne sommes pas des ordinateurs omniscients, n’est pourtant pas neuve. Depuis John Maynard Keynes, les penseurs hétérodoxes n’ont cessé d’avertir qu’il s’agissait d’un mythe, et de surcroît d’un mythe dangereux. Mais ils ont crié dans le désert : keynésiens, institutionnalistes, marxistes, régulationnistes étaient, et sont toujours, bien trop critiques pour être écoutés.

« Nous payons un prix terrible pour notre foi aveugle dans le pouvoir de la main invisible », accuse désormais l’économiste Dan Ariely (2). La théorie néoclassique est « déficiente », tranchent de leur côté ses confrères George Akerlof et Robert Shiller (3). « Elle ne permet pas de comprendre pourquoi l’économie a des allures de montagnes russes. » En exposant « comment l’économie marche vraiment, quand les gens sont vraiment humains », les deux auteurs d’Animal Spiritsaffichent un programme ambitieux : « Parvenir à ce que la théorie existante n’a pas su réaliser. »

Car, postule la BE, si nous sommes irrationnels, nous n’en sommes pas moins prévisibles. Multipliant les expériences en laboratoire, armés si besoin d’électrodes fournies par leurs alliés des neurosciences, les économistes comportementaux décèlent ces régularités dans notre comportement pour construire des modèles de décision individuelle plus réalistes que ceux des néoclassiques.

Les pionniers de la BE se nomment Daniel Kahneman et Amos Tversky. A partir des années 1970, ces psychologues israéliens ont méticuleusement catalogué les biais cognitifs qui, distordant l’analyse d’une situation, poussent les individus à prendre des décisions irrationnelles. Ainsi, par exemple, de l’« effet de framing », qui conduit les agents à apprécier différemment les données d’un seul et même choix selon la façon dont on le leur présente : « 40 % de chances de gagner » ne produit pas le même effet que « 60 % de chances de perdre ». Mais c’est la collaboration avec un jeune économiste américain, Richard Thaler, qui, dans les années 1980, marque l’avènement de l’économie comportementale comme un champ à part entière.

Pour l’heure, le rêve d’une refondation du courant dominant de l’économie à partir du paradigme comportemental n’est pas encore réalisé. Cependant, ses partisans gagnent du terrain depuis une dizaine d’années, comme l’attestent les prix de la Banque de Suède en mémoire d’Alfred Nobel remis à Akerlof en 2001 et à Kahneman en 2002. En France, c’est l’économiste comportementaliste David Masclet qui a reçu en 2012 la médaille de bronze du Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Les biais cognitifs que les orthodoxes disqualifiaient comme de simples objets de curiosité sont désormais examinés sous toutes les coutures dans des revues académiques respectées. On enseigne la BE dans les universités américaines les plus prestigieuses, au Massachusetts Institute of Technology (MIT) ainsi qu’à Stanford, Berkeley, Chicago, Columbia, Princeton et surtout Harvard. L’Institute for New Economic Thinking (INET), le think tank lancé en 2009 grâce aux 50 millions de dollars avancés par M. George Soros, place la BE au cœur de ses réflexions. En France, le Groupe d’analyse et de théorie économique (GATE) de Lyon et la Toulouse School of Economics (TSE) sont les plus en pointe.

La discipline fait aussi des adeptes dans le grand public. Avides de comprendre pourquoi ils prennent tant de « mauvaises » décisions, les Américains se jettent sur des livres tels que Blink, de Malcolm Gladwell, Nudge, de Thaler et Cass Sunstein, ou Predictably Irrational, d’Ariely. Ce dernier répond d’ailleurs chaque semaine aux questions les plus triviales des lecteurs du Wall Street Journal dans une section du journal intitulée « Ask Ariely ».

Renforcer l’arsenal de manipulation

Si l’économie de ces dernières années a été « au mieux spectaculairement inutile, au pire extrêmement nocive (4) », les économistes comportementalistes valent- ils mieux que les autres ? Mettre fin à la tyrannie intellectuelle de l’Homo œconomicus et affirmer l’inefficience des marchés représente à coup sûr une rupture encourageante. Mais, quand la théorie devient pratique, c’est une tout autre histoire. Car la BE ne se révèle pas moins encline que sa grande sœur dominante à proposer ses services aux entreprises, à la finance ou aux politiques publiques. Et ses mises en application, décevantes dans le meilleur des cas, suscitent le plus souvent… le doute.
Du point de vue des salariés et des consommateurs, d’abord. Les entreprises, qui exploitent depuis les années 1930 les ressources de la psychologie au profit du marketing et de la publicité, accueillent chaleureusement les derniers développements de la BE, qui renforcent leur arsenal de manipulation à destination de leurs clients et de leurs employés. Le célèbre cabinet de conseil McKinsey propose quatre techniques pratiques « qui devraient faire partie de la boîte à outils de tous les commerciaux (5) ». La compagnie de recherche en marketing MarketTools explique sur son site que la BE est plus efficace que les sondages pour identifier le prix au-delà duquel les consommateurs n’achètent plus un produit. Autrement dit, la BE permettrait de déterminer les prix les plus élevés possibles. Elle fournit aussi des clés pour pousser les clients à payer leurs factures à temps. Sanctionner les retardataires par une amende s’avérerait moins efficace que de jouer sur leur tendance à se comparer aux autres avec une lettre indiquant : « Vous êtes l’une des rares personnes de votre quartier à ne pas avoir encore payé votre facture. »

Fehr Advice, un cabinet de consultants allemand fondé par Ernst Fehr, l’un des pontes de la discipline, propose quant à lui d’enseigner aux patrons comment utiliser la BE pour négocier avec leurs employés, notamment sur les questions de salaire. De fait, la BE regorge de leçons en la matière. Constatant que l’incitation financière classique, soit la promesse faite aux enseignants d’une prime de fin d’année en cas de bons résultats des élèves, était sans effet, des économistes comportementalistes ont préféré exploiter le fait que les individus sont plus sensibles aux pertes qu’aux gains : Steven Levitt et Roland Fryer (6) ont donné la prime aux professeurs dès le début de l’année et ont menacé de la leur retirer à la fin si les résultats ne s’avéraient pas satisfaisants. Demander aux employés de rembourser une partie de leur salaire à la fin de l’année : voilà une technique de motivation des troupes qui a de l’avenir.

Mais, paradoxalement, c’est dans la finance, secteur pourtant particulièrement remis en cause par les « découvertes » de la BE, que celle-ci formule les propositions les plus appréciées. Il a suffi de faire le tri : écarter les conclusions définitives sur l’inefficience des marchés et conserver celles, potentiellement lucratives, concernant le comportement des agents. La « finance comportementale » est ainsi devenue un « complément à la gestion classique de portefeuille »,selon le site de l’Inseec, une école de commerce qui a incorporé ce« nouveau champ de la finance » dans le cursus de son Master of Business Administration (MBA).

Certains fonds, comme JP Morgan Asset Management, qui a commencé dès 1993, ou, en France, CCR Asset Management, appliquent ces principes depuis longtemps. Concrètement, faire de la finance comportementale signifie que les investisseurs s’efforcent d’identifier et de corriger leurs propres biais, et/ou d’exploiter ceux des autres. Illustrant le premier cas de figure, James Montier promet d’aider l’investisseur à « maîtriser ses émotions » et à renforcer le« muscle du self-control » (7). L’autre approche, plus stratégique, développée notamment par Russell Fuller (8), consiste à repérer les titres mal « pricés » (cotés) en raison de la sur- ou de la sous-réaction des autres investisseurs.

Ces stratégies permettent peut-être à certains de gagner plus, mais ne règlent en aucun cas la question de l’inefficience des marchés. De fait, comme la théorie économique (vraiment) hétérodoxe l’a montré (9), le seul moyen d’empêcher les marchés financiers, intrinsèquement instables, de semer le chaos dans l’économie, c’est de les réguler drastiquement, c’est-à-dire de limiter les leviers d’endettement des opérateurs, de séparer les activités de marché et de crédit, de limiter les mouvements de capitaux, etc.

Mais, étrangement, aucune de ces mesures ne figure dans les propositions de politique publique des économistes comportementalistes. Ainsi, Thaler, le pape de la discipline, conseille l’équipe économique du président américain Barack Obama, ainsi que le gouvernement de M. David Cameron au Royaume-Uni : il pourrait très bien leur glisser à l’oreille qu’il serait pertinent d’encadrer les marchés financiers si l’on veut éviter de nouvelles secousses. Mais il se trouve que Thaler n’est pas seulement professeur d’économie à l’University of Chicago Booth School of Business. Il dirige aussi, avec Fuller, un fonds d’investissement spécialisé dans la finance comportementale…

Universités et banques se côtoient sur bon nombre de curriculum vitae d’économistes comportementalistes. Kent Daniel, actuellement professeur de finance à Columbia University, a été directeur du département d’analyse financière chez Goldman Sachs Asset Management. Il est aussi membre du comité de conseil académique de Kepos Capital et d’Allianz Global Investors. Qu’a-t-il à dire sur la régulation ? « Même si les investisseurs ne sont pas parfaitement rationnels et que les titres sont systématiquement mal pricés, les politiques devraient malgré tout être déférents envers les prix du marché (10). » En d’autres termes : les marchés font n’importe quoi, mais ils méritent notre respect.

En effet, poursuit Daniel, « l’irrationalité et l’égoïsme contaminent le processus politique ». Et, par ce coup de baguette magique, l’argument de l’irrationalité est retourné contre les représentants de la puissance publique. On ne sera donc pas surpris de découvrir la grande idée de Montier : « Ceux d’entre nous qui travaillent dans la finance devraient avoir à prêter une sorte de serment d’Hippocrate, celui de ne pas faire de mal (11). » Pourquoi se fatiguer à légiférer quand il suffit que les traders promettent d’être vertueux ?
Dans leur dernier ouvrage, Thaler et Sunstein vont jusqu’à défendre les subprime : « Les crédits hypothécaires à taux variables, même ceux avec les taux teasers, ne sont pas mauvais en tant que tels. » Et d’épouser l’injonction de l’ancien conseiller de Woodrow Wilson, Louis Brandeis : « La lumière du jour est le meilleur désinfectant. »Traduction : la solution, c’est la transparence, pas la régulation. Les néoclassiques ne le diraient pas autrement.

Quel est le point commun entre ces propositions ? Toutes sont parfaitement respectueuses de la suprématie du marché, et donc naturellement suspicieuses envers la régulation. Cette disposition donne toute sa consistance à une position très générale de politique publique que Thaler et Sunstein résument par l’idée de nudge (12).Nudge, c’est le « coup de pouce », ou l’amicale pression du coude qui exploite les biais cognitifs des individus pour les inciter en douceur à faire des choix conformes à la fois à leurs intérêts particuliers et à l’intérêt général, en évitant donc d’être « prescriptif ou culpabilisant », ainsi que le souligne un rapport du Conseil d’analyse stratégique (CAS).

Le monde merveilleux du « bon sens »

« Nous sommes contre les interdictions », assument Thaler et Sunstein. Evoquant une loi qui interdit certains polluants, ils écrivent : « La philosophie de ce type de limites ressemble désagréablement à celle des plans quinquennaux soviétiques. » Pour les auteurs du livre, qui se décrivent comme des « paternalistes libertariens », la BE est donc une « troisième voie » entre friedmaniens et keynésiens : entre le laisser-faire total des libéraux et les lourdes interventions de l’Etat, il y aurait une place « ni de droite ni de gauche » pour l’aimable et raisonnable « politique du coup de pouce ».
C’est cette voie d’une parfaite innocuité que M. Obama aura empruntée dès son premier mandat. Non seulement Thaler a été sollicité pour conseiller son équipe économique, mais Sunstein a dirigé pendant près de quatre ans l’Office of Information and Regulatory Affairs, clé de voûte de l’appareil fédéral de régulation, notamment dans les domaines de la santé, du logement et de l’environnement. Résultat des courses : selon le Center for Progressive Reform, sur les centaines de projets qui lui ont été soumis par les cabinets ministériels, Sunstein en a assoupli les trois quarts dans le sens de l’intérêt des lobbys industriels (13).

Il n’est pas étonnant que cette philosophie ait plu aux tories (conservateurs) britanniques, qui ont recruté le même Thaler en 2009 à la tête d’une… Nudge Unit. Sa mission : « Atteindre des objectifs progressistes d’une manière qui soit compatible avec la réduction des dépenses du gouvernement et les charges que représente la régulation pour les entreprises et la société (14). »

La France non plus n’est pas insensible aux charmes du nudge. Le CAS a exploré en 2011 comment « plusieurs leviers comportementaux, comme le poids de la comparaison avec autrui ou l’inertie face au changement », pouvaient être mobilisés pour« inviter les citoyens à adopter des modes de vie plus respectueux de l’environnement ». Dans un rapport de 2012 du Conseil d’analyse économique sur la protection du consommateur, les pourtant très orthodoxes David Thesmar et Augustin Landier pointent les « biais pyschocognitifs des ménages » et appellent à systématiser, notamment pour les produits d’épargne salariale, une « option par défaut bien choisie », qui « permette au consommateur inattentif d’être aiguillé vers le bon choix, sans priver le consommateur proactif de sa liberté de choix ».

Inciter les gens à faire les choix qui vont dans le sens de l’intérêt général, voilà donc la visée du nudge. La définition de cet « intérêt général » n’est en revanche jamais formulée. Moins polluer la planète est sans doute un objectif consensuel. Mais peut-on en dire autant quand les économistes agencent leurs « coups de pouce » pour conduire les salariés américains à épargner davantage auprès de leurs fonds de pension ? Une partie importante des travaux en BE aux Etats-Unis ont en effet été consacrés à développer, et même à rendre obligatoires, de tels programmes dans les grandes entreprises. Augmenter l’épargne financiarisée : voilà sans doute qui correspond à la vision que se fait l’industrie financière de l’intérêt général… mais beaucoup moins à celle de la rationalité macroéconomique, qui requiert parfois que les individus n’épargnent pas plus, mais moins, pour relancer la demande par la consommation. En outre, privilégier cet objectif évacue le débat sur les différents modèles de retraite possibles, puisque cela postule que le système par capitalisation est le meilleur (15).

Le nudge n’aime pas la politique, et se complaît dans l’illusion qu’il s’exerce en dehors d’elle, dans le merveilleux monde du « bon sens » et de la « réalité des faits ». Ainsi, propose Thaler, « laissons de côté la question de savoir s’il faut augmenter les impôts », question horriblement « partisane » qui fâche pour rien, et « employons-nous déjà à mieux collecter l’impôt » (16). Le nudge abolit toute interaction démocratique entre le peuple et les élus. Ses partisans « supposent implicitement qu’essayer de convaincre l’électorat du bien-fondé des agissements du gouvernement est un exercice vain, écrit le sociologue de l’université britannique du Kent Frank Ferudi (17). Au lieu d’un débat démocratique, ils optent pour des techniques subliminales de manipulation ».

Les économistes néoclassiques sont certes nocifs lorsqu’ils prônent la dérégulation, la privatisation et l’austérité salariale. Mais, au moins, ils ne font qu’émettre une opinion, qui peut être publiquement débattue et combattue. Leurs homologues comportementalistes, eux, sautent la case « débat démocratique ». Sûrs de savoir en quoi consiste l’intérêt général, ils l’imposent par une entreprise de conditionnement qui opère directement au niveau du comportement de chaque individu. La Nudge Unit britannique peut « changer la manière de penser des gens », se réjouit ainsi en toute innocence le vice-premier ministre britannique Nick Clegg (18). Devons-nous nous réjouir avec lui  ?

Notes :
(1) Lire Renaud Lambert, «  Les économistes à gages sur la sellette  », Le Monde diplomatique, mars 2012  ; cf. aussi Charles Ferguson, Inside Job, film documentaire, 2010, et livre, Oneworld, Oxford, 2012.
(2) Dan Ariely, «  Irrationality is the real invisible hand  », danariely.com, 20 avril 2009.
(3) George Akerlof et Robert Shiller, Animal Spirits, Princeton University Press, 2009.
(4) Paul Krugman, conférence à la London School of Economics, juin 2009.
(5) «  A marketer’s guide to behavioral economics  », mckinsey.com, février 2010.
(6) Roland G. Fryer Jr, Steven D. Levitt, John List et Sally Sadoff, «  Enhancing the efficacy of teacher incentives through loss aversion : A field experiment  » (PDF), document de travail, National Bureau of Economic Research, n°18237, Cambridge, juillet 2012.
(7) James Montier, The Little Book of Behavioral Investing, John Wiley and Sons, Hoboken (New Jersey), 2010.
(8) Russell Fuller, «  Behavioral finance and the sources of Alpha  » (PDF), Journal of Pension Plan Investing, vol. 2, n°3, New York, hiver 1998.
(9) Cf. Les Economistes atterrés, Changer d’économie  !, Les Liens qui libèrent, Paris, 2012.
(10) Kent Daniel, David Hirshleifer et Siew Hong Teoh, «  Investor psychology in capital markets : Evidence and policy implications  » (PDF), n°49, Journal of Monetary Economics, université de Rochester (New York), 2002.
(11) «  Interview : James Montier on value investing  », Investment Postcards from Cape Town, 11 mars 2010.
(12) Richard Thaler et Cass Sunstein, Nudge. La méthode douce pour inspirer la bonne décision, Vuibert, Paris, 2010.
(13) «  Behind closed doors at the White House : How politics trumps protection of public health, worker safety, and the environment  » (PDF), Center for Progressive Reform, Washington, DC, novembre 2011.
(14) Allegra Stratton, «  “Nudge” economist Richard Thaler joins conservative camp  », The Guardian, Londres, 6 octobre 2009.
(15) Lire François Chesnais, «  Demain, les retraites à la merci des marchés  », Le Monde diplomatique, avril 1997.
(16) Richard Thaler, «  Geek squad  », Foreign Policy, Washington, DC, janvier-février 2013.
(17) Frank Ferudi, «  Don’t wink at the nudge plan  », The Australian, Sydney, 5 octobre 2012.
(18) Patrick Wintour, «  David Cameron’s “nudge unit” aims to improve economic behaviour  », The Guardian, 9 septembre 2010.




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