dimanche 29 novembre 2015

État d’urgence : quoi de neuf sous le ciel de la “sociale démocratie” ?












Par Frédéric Lutaud

La population commence à reprendre ses esprits. Après l’émotion suscitée par les attentats du 13 Novembre, une autre musique arrive à se faire entendre autre que celle des belligérants revanchards et sécuritaires. Le terrorisme djihadiste ne serait pas le simple produit d’un islam même « radical », alimenté par un État islamiste en guerre contre notre mode de vie occidental. Les principaux spécialistes de la question sont unanimes : les djihadistes lisent peu ou pas le Coran. « Aucun de ceux qui sont intervenus sur le sol français ne sont passés par une formation théologique de fond ou par une intensification progressive de la pratique religieuse ». La religion n’est qu’un prétexte à leur radicalisation. La plupart ne sont pas d’origine musulmane, mais issus d’une « jeunesse déclassée qui se sent rejetée, marginalisée, victimisée ». Une génération en rupture de ban prête à déverser la haine que lui inspire l’humiliation d’une vie précaire et sans avenir. La question sociale resurgit soudain sur le devant de la scène.

Poser la question sociale c’est prendre acte de nos responsabilités, ce dont se garde bien François Hollande. « Nous sommes en guerre », l’ennemi c’est l’autre. Après « mon adversaire c’est la finance », nous découvrons un nouvel ennemi intérieur : « l’Islam radical ». Le premier avait le mérite de désigner un objectif politique, le second se complaît dans la logique du bouc émissaire permettant d’échapper à tout bilan. Car la « sociale démocratie » dont se revendique François Hollande n’apporte aucune réponse ni à la crise financière, ni au repli identitaire puisqu’elle en est le vecteur. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, nous assistons à l’éternel retour du même. L’histoire nous a habitués à cette jeunesse paupérisée et dépolitisée qui rejoignait les milices paramilitaires de l’Ordre nouveau national socialiste (qui déjà n’avaient pas plus à voir avec le socialisme que le djihadisme de Daesh avec l’islam). Ou encore à l'action d'un terrorisme gauchiste d’une jeunesse étudiante au marxisme mal digéré prétendant faire le bonheur du peuple à la place du peuple. On pense aussi aux attentats anarchistes à la fin du XIXe siècle donnant lieu à l'adoption de lois scélérates. Rien de neuf sous le ciel de la « sociale démocratie » toujours prompte à défendre les intérêts de la classe dominante au nom de la République parlementaire et de sa démocratie inachevée.

Poser la question sociale, c’est refuser de contourner la question démocratique. Qui décide de la répartition de la richesse produite ? La “sociale démocratie” nous dit « salariés enrichissez vos entreprises, la justice fiscale rétablira l’égalité sociale ». La démocratie sociale répond « seul le travail crée la richesse, toute la richesse aux salariés. Nous voulons la propriété collective de notre entreprise pour décider démocratiquement de la production ». Il ne s’agit plus de déplacer le curseur sur l’échelle de la répartition mais de se débarrasser d’un droit censitaire qui n’accorde le pouvoir économique qu’à ceux qui ont les moyens de la propriété par actions.

Tandis que la moralisation d’un capitalisme prédateur par les sociaux-démocrates s’accompagne de son lot de désolations au niveau géopolitique (addiction aux hydrocarbures, alliances contre nature avec les monarchies du Golfe, financements de mouvements extrémistes armées, asservissement des populations du Sud, exploitation effrénée des ressources naturelles…) comme au niveau national (chômage de masse, pauvreté, exclusion, souffrance au travail, délinquance, suicide…), le désespoir grandit parmi la population. Les esprits les plus combatifs rejoignent les luttes sociales et les plus fragiles se laissent endoctriner par le prêt à penser nationaliste ou religieux. Renaissent inexorablement les antagonismes de classe pour le contrôle de la production, rejoint dès lors par la mobilisation pour sauver le climat. 

La réponse de l’exécutif, nous la connaissons. Une déclaration de guerre pour jouer sur la fibre patriotique et exiger l’unité nationale. Puis la mise en place d’un état d’urgence qui court-circuite la justice et restreint les libertés publiques. Les militants de la gauche alternative sont assignés à résidence, les syndicalistes criminalisés, les manifestations interdites. Le social-démocrate Guy Mollet, en menant sa sale guerre d’Algérie, n’a pas pratiqué autrement. Non, vraiment, rien de neuf sous le ciel de la “sociale démocratie”.

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