vendredi 20 novembre 2015

Un ex-espion américain met en garde la France contre sa stratégie pour lutter contre le terrorisme

AFP 19/11/2015

"Vous suivez le chemin qui mène à l’échec que les Etats-Unis ont tracé": l’ancien officier de renseignement de la NSA William Binney, présent à Strasbourg pour le Forum mondial de la démocratie, ne ménage pas la France et sa stratégie pour lutter contre le terrorisme.
Très critique vis-à-vis de l’administration de George W. Bush, M. Binney a démissionné de la NSA (National security agency) en octobre 2001, peu après les attentats du 11-Septembre, devenant un «lanceur d’alertes» bien avant son compatriote Edward Snowden.
Il était présent mercredi dans la capitale alsacienne pour s’exprimer sur le thème «Surveillance, quel est le bon dosage?», dans le cadre du Forum de la démocratie organisé par le Conseil de l’Europe autour de la question «Liberté versus contrôle», d’une actualité brûlante après les attentats de Paris.
Interrogé par l’AFP sur l’éventualité que les libertés publiques fassent partie des «victimes» collatérales de ces attentats, M. Binney répond: «C’est très probable, c’est ce qui s’est produit aux Etats-Unis depuis 2001».

Aux Etats-Unis, «nous aurions pu choisir une approche rationnelle du renseignement (...), mais au lieu de cela, nous avons choisi la collecte massive d’informations», explique-t-il. «Ce que je ne cesse de dire, c’est que c’est la recette de l’échec garanti».
«Si votre objectif est de trouver des gens qui ont commis un crime après qu’ils ont massacré des gens, disposer de données en vrac sur tous les habitants de la planète va vous aider à les trouver mais si votre objectif est d’empêcher le massacre de gens avant qu’il ne se produise, alors ce n’est pas la bonne façon de procéder».
Selon lui, «la bonne méthode consiste à analyser les données de façon rationnelle et à focaliser les analyses sur des zones particulières et des personnes particulières qui font l’objet de suspicion, des terroristes connus, des dealers».

Anonymous

William Binney aime à se référer aux événements de Garland, au Texas, où une fusillade avait visé en mai 2015 un concours de caricatures du prophète Mahomet: «Les Anonymous avaient dit aux policiers de Garland deux jours à l’avance que cela allait se produire et nos services de renseignement, pour lesquels nous payons environ 100 milliards de dollars par an pour leur permettre de collecter des données en vrac partout sur la planète, n’ont absolument rien dit».
«La différence, c’est que les Anonymous se sont concentrés sur un petit périmètre d’informations sur les réseaux sociaux où ils ont trouvé les informations: si vous vous contentez de livrer des données de masse en vrac aux analystes, ils vont échouer, parce qu’ils seront submergés», souligne-t-il.
L’ancien de la NSA ne veut pas s’avancer sur la possibilité de l’adoption d’un «Patriot Act à la française», mais préconise une «discussion ouverte» sur le thème de la collecte des données à l’échelle mondiale, entre les gouvernements mais aussi les acteurs des sytèmes judiciaires. «Nous pourrions garantir le respect de la vie privée de pratiquement tous les habitants de la planète», se prend-il à rêver.
En France, une loi controversée sur le renseignement, défendue par le gouvernement au nom de la lutte antiterroriste mais cible de nombreuses critiques quant au risque de «surveillance de masse» qu’elle implique, a été adoptée en juin dernier.

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