jeudi 6 mars 2014

Robotique de services : «La France est la Californie de l'Europe»



« La robotisation des entreprises va entraîner la suppression des tâches pénibles et répétitives mais il y aura un effort de transformation de certains métiers. »

Ils pourront opérer avec plus de précision ou veiller sur nos aînés à domicile. Les robots à tout faire sont pour demain et la France a une carte à jouer dans ce secteur d'avenir. C'est le message que martèle Arnaud MontebourgLe ministre du redressement productif a annoncé mardi la création d'un fond d'investissement public-privé doté de 80 millions d'euros, Robolution Capital, pour développer de nouvelles générations de robots qui doperont les exportations françaises du futur, avec à la clé de nouveaux emplois industriels.

L'enjeu est capital car le marché de la robotique de services pourrait atteindre 100 milliards en 2018 et 200 milliards en 2023 selon la Fédération internationale de la robotique (IFR). Quel impact aura cette « robolution » sur l'emploi en France ? A quoi serviront les robots chez nous à court terme ? La France peut-elle devenir une référence mondiale ?

A l'origine de la création de Robolution Capital, Bruno Bonnell, cofondateur d'Infogrames et président du syndicat français de la robotique Syrobo, livre sa vision de l'avenir de la robotique «Made in France».

En quoi consiste la «robolution» dont vous êtes à la tête en France ?

Bruno Bonnell « Les gens ont connu au XIXe siècle l'avènement de la machine lors de la révolution industrielle et ils ont l'occasion aujourd'hui de voir la « robolution industrielle », c'est-à-dire que nous transférons notre intelligence sur des machines intelligentes appelées robots. Elles sont plus simples que dans l'imaginaire et le fantasme de l'android. Elles ont trois caractéristiques : des capteurs pour comprendre leur environnement, des processeurs pour l'analyser et prendre une décision, et des actionneurs comme des bras ou des moteurs pour agir sur le monde réel. Cela va aller très vite et dans 5 ans, nous serons surpris de nous dire qu'en 2014, il n'y avait pas de robots, comme aujourd'hui on se demande comment on faisait avant l'iPad ou l'iPhone.»

Pour être précis de quels robots parlons nous et à quelle échéance ?

« La robotique de service existe dans deux catégories, personnelle et professionnelle. Il y a déjà le robot-aspirateur ou le robot médical ; et l'industrie est passée aux machines intelligentes et collaboratives. La transformation de cette robotique de service va toucher les aspects de notre quotidien, comme l'apparition de robots dans la logistique ou les transports avec les drones. Des robots agricoles sont en cours de développement pour trier les mauvaises herbes ou traire les vaches. De nouveaux robots pour la maison tels que les robots de présence pour surveiller des personnes âgées ou des handicapés arriveront d'ici 2 à 5 ans.

Revenons au fond d'investissement qui financera les entreprises spécialisées dans la robotique, pourquoi avoir choisi ce surprenant modèle privé-public avec des actionnaires extérieurs ?

« C'est un enjeu pour la France, il fallait trouver une masse critique d'argent pour pouvoir aider les start-ups et les entreprises à investir dans la robotique. Il faut des fonds propres pour acheter des moteurs ou créer des moules. C'est un partenariat qui inclut des fonds de l'Europe, de la Banque Publique d'Investissement et des grandes entreprises. L'enjeu est de mettre des entreprises françaises et européennes sur les podiums des jeux olympiques de la robotique dans des catégories aussi variées que la robotique médicale, agricole, industrielle ou encore de service à la personne. »

Quelle est la position de la France face à ses concurrents mondiaux ?

« Les Américains ou les Japonais ont la réputation d'être en avance mais la France a des atouts spectaculaires car elle dispose de 60 laboratoires de recherche sur la robotique qui sont parmi les meilleurs du monde comme le LAAS (CNRS) de Toulouse ou le CEA-List de Grenoble. Il n'y a pas un seul pays que l'on peut considérer en avance car la course démarre et il faut que nous soyons des participants et des gagnants. Je dis toujours que la France est la Californie de l'Europe, car il y a aux Etats-Unis la recherche dans cet Etat et d'autres Etats plus industriels. Il est bon d'y impliquer l'Europe car il y a des pays plus industriels, comme l'Allemagne ou les pays de l'Est, qui doivent collaborer et travailler de façon unifiée. L'enjeu est européen dans cette bataille de titans face à la Chine ou aux Etats-Unis. ».

Le marché est prometteur et laisse entrevoir une belle croissance mais ces robots seront-ils fabriqués en France ou juste conçus dans l'hexagone et importés de Chine sans créer d'emplois comme de nombreux produits industriels ?

« J'aime bien parler du «Made in génie français» car ce n'est pas en Californie que l'on fabrique les iPhones mais c'est là bas qu'ils sont développés et que la valeur ajoutée est récupérée. En raisonnant à l'échelle européenne, c'est bien ici que ces robots seront inventés avec des parties d'assemblage qui pourront être faits sur différents territoires dont la France. La valeur ajoutée et l'innovation pourra rester en France tout comme les services de maintenance et d'installation. La Fédération internationale de la robotique prédit que pour un robot installé, il y aura trois emplois créés. La robotisation des entreprises va entraîner la suppression des tâches pénibles et répétitives mais il y aura un effort de transformation de certains métiers.»

Un robot peut créer selon vous trois emplois mais combien peut-il en détruire ?
« Quand les voitures sont apparues, les métiers de cochers ou de palefreniers ont logiquement disparu... Le plus important est que le solde entre emplois créés et détruits soit positif. C'est un cycle normal car cette destruction est créatrice. Il ne faut pas surtout pas négliger le suivi de ces métiers en mutation car la robotisation va transformer plutôt que détruire ces emplois. Il ne faut pas sous-estime la capacité des gens à s'adapter comme nous avons pu le voir avec l'informatique et Internet qui ont généré des centaines de milliers d'emplois. »

Commentaire OPLPV :
Contrairement à l'affirmation de Bruno Bonnell, nous n’observons pas de compensation des emplois détruits pas les emplois créer. La révolution de la productivité a détruit 10% du volume d’heures travaillées alors que nous avons augmenté le volume de richesses de 1000%. Le cycle normal de « cette destruction / créatrice » affiche un bilan négatif. Le robot ne fera qu’accélérer le processus. Nous produisons toujours plus avec moins de travail humain. Ce qui nous amène à dire que le partage du travail est une nécessité. Si le robot doit nous soulager des tâches pénibles, sa généralisation doit s'accompagner d'une redistribution des gains de productivité au bénéfice de la société toute entière en libérant du temps sur le travail, comme nous le faisons depuis deux siècles.


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