dimanche 30 mars 2014

Ce que pense le FMI des politiques d'austérité et de leurs impacts


Cette analyse (rapide) est tirée de publications récentes en anglais du fonds monétaire international sur le sujet de la croissance, des inégalités et de la politique fiscale. Les publications de 2013-2014 sont citées en fin d'article.
Dans le travail de Laurence Ball et de ses collègues sur les effets de la consolidation fiscale (entendez réduction des dépenses publiques ou augmentation d’impôts) sur les inégalités, les salaires et le chômage, les auteurs ont utilisé les données de 17 pays de l'OCDE sur la période 1978-2009.

Les auteurs ont trouvé que les politiques d'ajustement fiscal ont en général des effets significatifs sur :

• l'augmentation des inégalités dans le cours et moyen terme
• la réduction des salaires dans le long terme
• l'augmentation du chômage à long terme
Ils ont par ailleurs fait une différenciation entre des politiques d'ajustement fiscal basé sur des augmentations d'impôts ou une réduction des dépenses. Les politiques basées sur des réductions des dépenses ont tendance à avoir des effets supérieurs à ceux basés sur des augmentations d'impôts. Par ailleurs, les auteurs ont trouvé que les politiques d'ajustement fiscal ont tendance à réduire les salaires de façon plus significative que les profits ou la rente.


La figure ci-dessous vous montre l'évolution du coefficient Gini qui mesure les inégalités de revenus avant et après les politiques d'ajustement fiscal.

La figure suivante vous montre l'impact de la consolidation fiscale sur le chômage long terme. Les auteurs rappellent l'étude de Dao et Loungani (2010) qui lie la durée du chômage à la perte de revenus, la santé physique et morale et la diminution du succès scolaire et du salaire potentiel des enfants de chômeurs. Le chômage à long terme aussi réduit la probabilité de retrouver un travail.

Dans une note de Jonathan Ostry et al du FMI de février 2014, les auteurs ont fait une revue de la littérature et leurs propres analyses sur l'impact des inégalités ou de l'égalité sur la croissance.

De cette étude ils retirent que :

• un faible niveau d'inégalité est corrélé de façon significative avec une croissance plus rapide et plus durable pour un niveau donné de redistribution;
• l'impact de la redistribution sur la croissance est généralement infime et seulement dans des cas extrêmes peut-on voir quelque évidence qu'elle a un effet négatif sur la croissance.


La figure ci-dessous vous montre l'effet d'une augmentation des inégalités (mesurées grâce au coefficient Gini) ou de la redistribution sur la croissance à 5 ans. Les données indiquent un effet positif de la redistribution sur la croissance et un effet négatif des inégalités sur celle-ci.




La figure suivante montre l'impact des inégalités et de la redistribution sur la pérennité (la durée) de la croissance. Les données montrent qu'une redistribution dirigée vers les revenus les plus faibles provoquent des périodes de croissance beaucoup plus longue alors qu'une redistribution dirigée vers les revenus les plus hauts ou une augmentation des inégalités occasionne des périodes de croissance plus courte.

Les auteurs par ailleurs notent que 'de façon surprenante, il y a fort peu de preuves de l'impact destructeur de la redistribution fiscale sur la croissance à un niveau macro-économique'.
Finalement, une publication officielle du FMI du 23 janvier 2014 reprend les résultats de ces études pour suggérer des politiques de redistribution qui soient favorables à la croissance et au bien-être des populations.

Ceci est à mettre en résonance avec une publication précédente par Gajaujo et al en 2011 qui avait démontré l'impact négatif des politiques d'ajustement fiscal sur la croissance basée sur des données de pays de l'OCDE, et sur d'autres études qui ont démontré l'impact de ces politiques sur l'augmentation de la pauvreté.

En résumé, selon ces études basées sur des revues de littérature et l'utilisation de données de l'OCDE, les politiques d'austérité budgétaire ont tendance à :

• augmenter les inégalités;
• réduire les salaires;
• augmenter le chômage à long terme;
• réduire la croissance.

Par ailleurs, les politiques de redistribution ont tendance elles à :

• réduire les inégalités;
• augmenter la croissance;
• augmenter la durée des périodes de croissance.
Maintenant je ne crois pas qu'on puisse accuser le Fond Monétaire International de biais gauchiste. Cependant, il semblerait que la politique du gouvernement aille à l'encontre des évidences statistiques et expériences précédentes.

De façon peu surprenante, les politiques de restrictions budgétaires mises en place depuis plusieurs années n'ont pas créé l'effet escompté et au contraire, ont suivi le caractère des relations statistiques décrites ci-dessus, confirmant le diagnostic que nombre d'économistes avaient établi avant le revirement surprenant du gouvernement.

Ce qui est réconfortant (et assez ironique) cependant, c'est de trouver dans les publications du FMI la confirmation de la validité pratique des propositions faites par le parti socialiste avant et pendant la campagne et que le gouvernement a décidé d'ignorer.

Il est assez amusant que le FMI donne des leçons de keynésianisme au parti socialiste mais, au train où vont les choses, on n'est plus surpris par grand chose.


Notes :
(1) The Distributional Effects of Fiscal Consolidation, Laurence Ball et al, 2013,http://www.imf.org/external/pubs/ft/wp/2013/wp13151.pdf
(2) Redistribution, Inequality, and Growth, J Ostry et al, 2014http://www.imf.org/external/pubs/ft/sdn/2014/sdn1402.pdf
(3) Expansionary Austerity: New International Evidence Prepared by Jaime Guajardo, Daniel Leigh, and Andrea Pescatori, 2011https://www.imf.org/external/pubs/ft/wp/2011/wp11158.pdf
(4) Fiscal policy and income inequality, IMF,http://www.imf.org/external/np/pp/eng/2014/012314.pdf


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