mardi 28 janvier 2014

Pourquoi François Hollande ne parviendra pas à relancer l’économie française s'il ne comprend pas qu'il faut changer de diagnostic


Les années passent mais la crise reste, surtout en France. Et notre économie ne pourra repartir que si on s'appuie sur des constats réels pour établir une stratégie.

Lors de ses vœux à la Nation, François Hollande a pu préciser que la crise avait été « plus longue et plus profonde que prévu ». 2013 aura été une année « intense et difficile ». De ce constat, le président s’est fixé l’emploi comme objectif prioritaire, une nouvelle fois. C’est dans ce contexte qu’il apparaît nécessaire de mettre en évidence les causes de la crise et de définir l’indispensable action à mener pour offrir un réel résultat sur cet objectif prioritaire de François Hollande.

Il est alors nécessaire de réaliser l’inévitable constat : l’échec actuel de la solution offerte aux pays européens pour leur permettre d’en finir avec cette crise. Depuis plus de 5 ans déjà, la zone euro s’embourbe dans les pires difficultés, suivant seule une doctrine économique dépassée, et ignorée par les pays qui voient aujourd’hui le bout du tunnel; Etats Unis, Royaume uni et Japon.

Un diagnostic alternatif à la crise que nous traversons a pourtant vu le jour en 2009 ; cette crise n’est ni financière, ni une crise de la dette, mais une crise monétaire. Ce constat a été mis à jour par l’économiste Scott Sumner en premier lieu, puis a notamment été exprimé par les économistes David Beckworth et Ramesh Ponnuru au cours de l’article « Un changement de régime monétaire » publié par la très influente National Review en juin 2012 :

« Les Observateurs tendent à penser que la crise actuelle qui frappe l’Europe est le résultat d’Etats providence trop dépensiers. Et que ces pays seraient en bien meilleure posture s’ils avaient des niveaux de dépenses moins élevés et un marché du travail moins régulé. Mais plusieurs nations concernées par la crise de la zone euro, comme la France et l’Espagne, avaient des niveaux de dépenses et de revenus plutôt équilibrés avant la crise. Le réel problème a été, encore une fois, monétaire. L’Europe a eu pendant une décennie une politique monétaire parfaitement calibrée aux circonstances économiques allemandes mais pas aux autres pays de la zone euro, spécialement pour les pays de la périphérie. Le revenu nominal allemand a progressé de manière parfaitement stable au cours de cette période. Dans la périphérie, par contre, il a été d’abord suivi une forte tendance à la hausse avant de s’écrouler. Pour la zone euro dans son ensemble, le revenu nominal a chuté bien en deçà de sa tendance pré-crise, et a continué a chuté encore plus loin de celle-ci. Et la politique monétaire reste très stricte dans la zone euro dans sa globalité. L’effet de cet écroulement a notamment été, en Europe et aux États-Unis, de faire progresser le niveau de dette.»

Le constat réalisé par les économistes peut être identifié dans les graphiques suivants :

Dépenses nominales et tendance pré-crise . Euro Zone.



Cet effondrement des variables nominales a été compensé par les Etats européens par le recours à la dette.

Corrélation du revenu nominal et de la dette. Eurozone



Dette qui ne pourra pourtant pas permettre de compenser l’irrépressible montée du chômage, elle-même causée par le décrochage nominal de l’économie européenne.


source BCE

La complexité du phénomène tient au fait que cette analyse parait minimiser le rôle des problèmes structurels, notamment en France. Il n’est est rien. Le poids de la fiscalité, l’importance du poids de l’Etat et les contraintes économiques sont lourdes. Mais elles ne sont simplement pas la cause de la crise que nous traversons. Celle-ci est monétaire. Nos problèmes structurels sont un poids à notre potentiel de croissance, mais cela est le cas depuis plusieurs décennies. Et ce sont bien deux problèmes distincts. La résolution des problèmes structurels permettra d’améliorer le potentiel de croissance de la France, mais ne sera pas une solution à cette crise. Ils seront un avantage décisif pour améliorer notre potentiel futur. Mais encore une fois, pour la crise, c’est du côté monétaire qu’il va falloir se tourner.

Et ce diagnostic monétaire a depuis lors été repris au plus haut niveau. Les autorités monétaires américaines, britanniques et japonaises ont intégré cette nouvelle approche et ainsi révolutionné leur programme anti-crise. L’Europe s’est trouvée quant à elle incapable de réagir à cette nouvelle doctrine avec les résultats que nous connaissons aujourd’hui.

Dès lors que cette approche pourra être acceptée par le président Hollande, des moyens d’actions lui seront ouverts, mais resteront limités. Car seule une révision des traités européens et des statuts de la Banque centrale européenne pourra permettre de traiter efficacement le patient européen ; en intégrant la notion de plein emploi au seul objectif actuel de stabilité des prix, la BCE aura les moyens d’agir. Mais pour en arriver là, la France va devoir convaincre son partenaire, l’Allemagne.

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