jeudi 9 janvier 2014

Pervenche Berès : le Partenariat transatlantique est une machine de guerre contre le modèle social européen








Pervenche Berès, eurodéputée socialiste, estime que la directive sur les travailleurs low-cost doit être revue. Et que l'accord commercial actuellement en négociation avec les Etats-Unis risque de détruire les normes sociales européennes. 

Pourquoi la question des travailleurs low-cost est-elle si importante aujourd’hui ?
La question des travailleurs low-cost  renvoie à une réalité qui sape le modèle social européen. Le fait que des européens soient exploités à bas prix dans un autre pays que le leur pollue tout le débat sur la mobilité des travailleurs. On est dans une situation renversée : en 1996 c’était une directive pour favoriser la mobilité et protéger les travailleurs. Aujourd'hui on a des travailleurs qui ne sont plus protégés à cause du contournement du texte.

Pourquoi ?
La directive sur les travailleurs détachés  a conduit à des dérives. D’une part elle date de 1996, depuis il y a eu des élargissements. D’autre part il y a eu la crise qui a incité les gens à aller chercher du travail ailleurs. Et enfin les arrêts de la Cour de Justice ont rendu caduc le dispositif de la directive : normalement le régime le plus favorable devait s’appliquer. Le travailleur devait donc bénéficier de la règlementation sociale du pays d’accueil. Mais la jurisprudence a exclu beaucoup de chose du champ d'application de la directive, comme les accords collectifs de branche. Il y a donc beaucoup de façons de contourner la directive qui s'avère est insuffisante.

Quels sont les moyens de contournement utilisés ?
Il y a les faux travailleurs détachés : normalement il y a une limitation dans le temps. On peut détacher un travailleur pour une mission courte, et certaines entreprises en abusent. Il y a aussi les entreprises "boites à lettres" qui favorisent une limitation complète du droit social en détournant leur fonction d’agence d’interim. Enfin il y a des entreprises qui recrutent ailleurs en Europe et font venir les travailleurs en France.

Quels secteurs sont-ils touchés ?
Tous les secteurs, transports, agriculture, bâtiment, services de nettoyage…il n’y a plus de limite. Mais la masse critique ça reste le bâtiment.

Pourquoi la France tient à renforcer la directive d'application ?
C'est un enjeu politique. Il faut uniformiser les conditions sociales des travailleurs, pour les protéger. Aujourd'hui la position de la France consiste à rétablir un minimum d'équité, même si c'est une position moins ambitieuse que celle du Parlement européen. Par exemple le parlement avait voté une responsabilité totale des employeurs dans tous les secteurs. Le gouvernement demande une responsabilité conjointe et solidaire dans le secteur de la construction.C’est un début.

Sera-ce suffisant pour empêcher les dérives ?
Cela n’empêchera pas d’envisager une révision de la directive elle-même. Nous allons faire campagne pour cela pour que la directive soit révisée durant la prochaine mandature. Nous sommes en train de préparer une feuille de route en 10 points sur l'Europe sociale, qui est un enjeu majeur.

L’introduction d’un salaire minimum en Allemagne va-t-elle faire changer les choses ?
L'Allemagne qui impose un salaire minimum, ce serait comme les congés pays en 1936...un événement ! Bien sûr cela pourrait limiter le dumping social. D'ailleurs si on révise la directive  on pourra aussi y introduire la notion de salaire minimum.  Il faut changer beaucoup de choses dans le droit social européen, notamment dans le contrôle des inspections du travail, il faut des équipes volantes. Il faut aussi définir les chaînes de responsabilité : les sous-traitants ne sont pas tous responsables. Bouygues ne peut pas contrôler 150 indépendants en cas de grands chantiers, il faut donc s'interroger sur la taille des sous-traitants.

Que pensez-vous de la négociation du Partenariat transatlantique ?
Ce traité est une machine de guerre contre le modèle social européen. Il ne résout pas du tout les problèmes auxquels l'Europe est confrontée, au contraire !

On a des problèmes de divergence, de polarisation, de déséquilibres au sein de l’UE. Ce sont des problèmes que le traité va aggraver ! Et le Partenariat transatlantique de commerce et d'investissement ne va pas inventer de l’industrie là ou il n’y en a pas ! Il faut être réaliste. Cela fait 15 ans qu’on nous dit qu’il faut harmoniser les règles entre l’UE et les Etats-Unis, et en pratique la seule harmonistation qui se produire c'est que les Etats-Unis nous impose leurs règles. Comme les normes comptables, par exemple. Le rapport de force n'est pas à notre avantage, c'est évident. Donc celà ne sert à rien de dépenser de l'énergie à négocier ce traité, c'est une erreur.

Quels vont être les thèmes principaux de la campagne socialiste ?
Tous les enjeux de démocratie vont aussi être importants : la zone euro, comment associer les parlements, comment définir la politique économique. Nous voulons aller vers des ressources propres pour le prochain budget. Un budget de la zone euro sera un des thèmes de campagne.

Nous avons un socle avec les travaux de la convention, que l’on va mettre en harmonie avec le PSE.

Propos recueillis par Aline Robert


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