lundi 20 janvier 2014

La phrase la plus importante de François Hollande : « - Il y aura redistribution. Après. »

La réaction de Gérard Filoche à la conférence de presse de François Hollande

En fait je m’en moque des étiquettes, « tournant » ou « pas tournant », « social libéral » ou non, « social démocrate » ou non. Accélération. Amplification. Ce qui m’importe c’est le fond.

On peut disserter  à l’envie sur ce que c’est que d’être « social démocrate » car il y a mille visages de la social démocratie. Ce sont des beaux mots : « social » et démocrate » :
- « social » c’est faire œuvre sociale de redistribution des richesses aux salariés qui les créent,
- « démocrate » c’est respecter le Parlement et pas gouverner par ordonnances et votes bloqués.
Dans ce cas je suis social et démocrate, et socialiste et même modéré !

Souvent il a été dit que la social-démocratie, c’était un compromis social, d’où l’utilisation fréquente dans l’histoire des mots de « pacte social », de « compromis historique », de « contrat social » etc. Une sorte de collaboration institutionnalisée entre classes sociales opposées.

Quelqu’un vient d’expliquer que ce le Président Hollande avant dit hier, n’était pas nouveau, ca suivait la longue histoire de la gauche et de ses « compromis » de 1981-83 à 1988 et aujourd’hui… Du choix des nationalisations partielles, à celui du « traitement social du chômage » au « pacte de compétitivité » d’aujourd’hui… 

En oubliant au passage, Lionel Jospin et les 35 h, car à l’époque on imposa par la loi aux patrons une réduction du temps de travail, qui a réussi : les patrons ont hurlé, Jean Gandois a même démissionné du CNPF sur le parvis de Matignon le 10 octobre 1997 en hurlant qu’il avait été « berné » et en appelant de ses voeux que soient nommés « des tueurs à sa place » ils ont « déclaré la guerre au gouvernement Jospin », mais ce fut le seul moment dans l’histoire de la gauche en 30 ans où on a fait reculer le chômage de masse. Sans les 35 h nous aurions au moins 400 000 chômeurs de plus aujourd’hui.

"Le patronat n'est pas intéressé à la compétitivité, 
il est intéressé à la rentabilité"

La social démocratie dit-on est un compromis social. Donc entre deux classes sociales, Le patronat et le salariat. C’est à dire qu’on parvient à donner aux deux classes une partie plus ou moins importante de ce à quoi elles aspirent et ça réussit quand ce n’est pas un marché de dupes, quand les deux classes reçoivent quelque chose et l’acceptent. 
Mais là, dans le discours du président, ce n’est pas de la social démocratie. Il n’y a aucun compromis. Il n’y a aucun « donnant-donnant » comme aiment parfois le dire certains. Il n’y a « DONNANT » que pour le patronat. Rien pour le salariat. Rien. C’est tellement vrai que le président l’a expliqué en répondant à une question : « - Il y aura redistribution, après ». Il a bien dit « après ».

Pas tout de suite. Pas en même temps. Tout de suite, c’est seulement 35 milliards au patronat. Et là ce n’est pas un « pacte » ni un « contrat ». On donne aux uns du réel au temps présent, on donne aux autres de l’aléatoire au temps incertain.
Pourquoi on fait un « pacte de responsabilité » ? Le choix des mots a son importance. C’est parce que le « pacte de compétitivité » n’a pas marché. Et il n’a pas marché parce que ce n’était déjà pas un pacte, mais une ouverture unilatérale. Pour le patronat seulement !

Le patronat n'est pas intéressé à la compétitivité, il est intéressé à la rentabilité, ce n'est pas pareil. Il est intéressé à ses dividendes pas à ses échanges. C'est la finance qui commande, pas la production, d'ailleurs il n'utilise ses capacités de production qu' à 70 % (TUCP) 

Le rapport Gallois a ouvert ce « pacte » en novembre 2012 pour inverser la courbe du chômage en promettant 20 milliards de CICE aux patrons. Mais les patrons n’ont rien signé et surtout rien fait. Un an après il y a 272 100 chômeurs de plus, on en est à 5,9 millions toutes catégories confondues. 

On a signé et fait une loi avec l’ANI : mais un an après, il n’y a aucune « sécurisation de l’emploi », il y a 1100 plans sociaux de plus, expédiés plus vite.
Le patronat a signé l’ANI pour limiter les CDD courts : un an après, il y a explosion de CDD courts.
Le patronat a signé l’ANI en promettant un « plancher » de 24 h pour les temps partiels, mais un an après, il viole sa propres parole, refuse d’appliquer… et notre ministre du travail est obligé de refaire une loi pour prolonger le délai de son application du 1er janvier 2014 au 31 juin 2014. Parce que le patronat refuse de tenir parole dans la chaussure, dans le nettoyage, dans l’enseignement privé, dans la distribution, etc… alors le gouvernement va revoter le 22 janvier et les députes le 22 février une « saisine rectificative » pour suivre le patronat. Il n’y a pas compromis, et si certains pensaient qu’il y en a eu un, il n’est pas respecté.

Un an après, c’est pareil pour la « complémentaire santé » de l’ANI qui a été bousculée par la droite réactionnaire du Conseil Constitutionnel le 13 juin 2013 et qui engraisse les grandes assurances privées pour une protection a minima des salariés.
C’est pareil pour les droits dits rechargeables des chômeurs, il n’y a rien  de ce qui était prévu le 1er juillet par contre s’annoncent des « droits déchargeables » !

Je n’ose dire que :
-       la non-amnistie des syndicalistes
-       la casse de l’inspection du travail
-       la suppression des élections prud’hommes
faisaient partie du « pacte » implicite de l’an passé. En tout cas ça n’a pas convaincu le patronat. Il a continué à licencier. Il n’a pas inversé la courbe du chômage.
Alors en fait, on fait coup double, banco, on remet au tapis. Un deuxiéme "pacte" plus fort. On rajoute 35 milliards de baisse des allocations familiales.  Mauvais « négociateurs » avec la même méthode, car on offre unilatéralement, les contreparties sont censées venir plus tard. Après ! ce n’est pas « social démocrate » ça !
Mais il n’y aura pas davantage « d’après » en 2014 qu’en 2013.

Le Medef n’a pas l’intention de redonner plus au « pacte de responsabilité » qu’il n’a rendu au « pacte de compétitivité ».

Le patronat recommence : il encaisse et en redemande. Gattaz réclame 100 milliards. Et commence à chipoter les 35 des AF, les 20 du CICE, doutant des 50 milliards « d’économies ». Il fait déjà des soustractions, mégote, au lieu d’additionner. Il en oublie toutes les aides qu’ils reçoivent par ailleurs (exonérations, emplois aidés..) lesquels font déjà 65 milliards. Ce sont les rois des assistés. En attendant de soutenir à nouveau l’UMP  pour en avoir encore plus.

Pierre Gattaz refuse de « chiffrer les embauches » en contrepartie. Il a bien raison, car en 1986, son père, Yvon Gattaz avait chiffré à 400 000 le nombre d’emplois qui seraient créés en cas de suppression du contrôle sur les licenciements… et il y avait eu un « pic » de 400 000 licenciements, d’emplois en moins.

Le Medef n’a pas l’intention de redonner plus au « pacte de responsabilité » qu’il n’a rendu au « pacte de compétitivité ».
Et d’ailleurs, même s’il le voulait, IL NE LE POURRAIT PAS ! Car il est dans les mains de la finance. 
Et la finance préfère les placements aux emplois, 
elle préfère les licenciements aux embauches, 
elle préfère la spéculation à la production, 
elle préfère la rente au travail,
elle préfère les iles Caïmans aux investissements ! 
Ca rapporte beaucoup  plus que de respecter un « pacte de responsabilité » !  C’est la seule chose qui pèse sur eux. C’est la raison pour laquelle ils ne respecteront pas les « contreparties » davantage en 2014 et 2015 qu’en 2013.

Alors on me dit qu’il y aura un « observatoire des contreparties ». Pourquoi un "observatoire" ? Pourquoi pas le Parlement ? il peut, peut-être, ne pas servir qu’a faire un vote bloqué ?
« Observer » ? Mais alors il faut doubler tout de suite les effectifs de l’inspection du travail, car sinon on aura aucun moyen d’observer quoi que ce soit. Il faut doubler les droits des syndicats car ils ne pourront pas contrôler quoi que ce soit. Si on veut du dialogue social, renforçons l’inspection, les prud’hommes et amnistions les syndicalistes. Il faut aussi doubler les inspecteurs du fisc parce que sinon on ne verra pas que cet argent va en Suisse ou à Singapour !
« Observer » ?  mais ca ne suffira pas à arracher le patronat au chantage de la finance qu’il subit. Il faut le sauver malgré lui de la pente naturelle du vice qui le domine.

En fait le meilleur service à rendre au patronat, ce n’est pas de lui lâcher bride et de lui donner des milliards qu’on ne reverra jamais, c’est de le contraindre, de mettre en place un système de contrôle de ses dividendes et de ses licenciements. Il faut une pression plus forte de la République sur lui que celle des traders, boursicoteurs, spéculateurs. Il faut un système de droit du travail et de fiscalité combinés pour permettre aux entreprises de se sauver elles mêmes des griffes de la finance.


1 commentaire:

  1. M.Filoche, je vous ai souvent écouté et entendu: j'ai même vu les larmes dans vos yeux un jour que vous aviez copris que FH n'allait pas dans la bonne direction! Je vous approuve et vous admire !Alors ,votons Nouvelle Donne puisque, "en haut" ils sont sourds

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