dimanche 16 novembre 2014

Intervention au Conseil national du Parti socialiste du 15 Novembre 2014



Par Frédéric Lutaud, membre du Bureau national

CherEs camarades,

J’ai bien entendu notre Premier secrétaire, j’ai aussi écouté attentivement la synthèse de Guillaume Bachelay. J’ai compris aussi la position d’Henri Weber. La charte des États-Généraux n’est pas une plate-forme programmatique, elle ne constitue pas un programme de gouvernement. Elle dessine une orientation, la carte d’identité de nos valeurs. Certes, mais cela ne doit pas être le grand écart entre ce que nous écrivons, ce que nous disons et ce que nous faisons.

Est-ce que je dois vous parler de l’affaire Jouyet qui n’est pas vraiment à l’image de ce que nous nous faisons de l’action politique ?

Est que je dois vous parler de la mort de Rémi Fraisse et des 700 grenades tirées par la police républicaine au barrage de Sivens ? Le père de Rémi Fraisse était signataire de la motion 4 avant de quitter le parti socialiste pour cause de désaccord avec la politique du gouvernement.

Est ce que je dois vous parler des 48 députés socialistes qui ont voté avec la droite contre la progressivité de la CSG, un engagement de campagne de notre président ?

Est ce que je dois vous parler des 10 000 chercheurs qui sont vent debout contre la politique du gouvernement parce qu’elle crée de la précarité dans les universités et pour l’avenir de la jeunesse ? La jeunesse, vous vous souvenez, un autre engagement de François Hollande.

Est ce que je dois vous parler des déclarations méprisantes de Manuel Valls qui traite ses camarades en désaccord avec lui de « gauche passéiste au surmoi marxiste » ? Ce n’est pas ce que j’appelle de la fraternité quand on apprend cela dans les journaux.

Est-ce que je dois vous parler des déclarations d’Emmanuel Macron qui considère que « Angela Merkel a eut la chance d’avoir un prédécesseur qui a fait les reformes nécessaires ». Éloge à peine voilée aux reformes Hartz de Gerhard Schrôder. Je doute que nous ayons reçu beaucoup de contributions dans ce sens-là aux États généraux.

Est-ce que je dois vous parler de la taxe sur les transactions financières où la France se montre particulièrement timorée, voir suspecte ?

Non, je préfère vous parler de l’intervention du Président de la République.
Car c’est lui qui donne la ligne politique générale.
C’est lui qui a déclaré devant les Français que les bénéfices de sa politique profiteront à son successeur. Je croyais que nous avions voté pour « le changement maintenant ! ».
Maintenant nous sommes prévenus : le changement ce n’est même pas pour demain, c’est pour plus tard…

Je ne suis pas sûr que les 500 000 chômeurs supplémentaires sous sa mandature apprécieront. Ainsi que tous ceux qui devront travailler plus longtemps à cause de l’allongement des cotisations retraites, mais en plus notre Président s’est mise en tête une nouvelle lubie : il faudra aussi travailler le dimanche.

« Croissance, compétitivité, emploi ! ». Voilà ce que martèle à loisir François Hollande sur TF1. Le souci c’est qu’Alain Juppé répète exactement la même chose chez Jean-Jacques Bourdin, à la différence près, c’est qu’il va un peu plus loin dans la diminution des déficits, un peu plus loin dans l’allongement des retraites, un peu plus loin dans la baisse du coût du travail… C’est la surenchère, mais la politique reste la même.

Je vous le dis camarades, la gauche ne sortira pas indemne de ce renoncement économique et social. La déflation est à nos portes et nous appliquons les mêmes recettes qui ont déjà conduit l’Europe à sa perte au siècle précédent : l’austérité, le dumping fiscal et social, et la compétition entre les salariés.

Les dividendes ont augmenté de 30 % cette années en France - record d’Europe absolu - mais il n’y aura pas d’augmentation d’impôt d’ici 2017, a déclaré François Hollande.

Les inégalités se creusent !

Le baromètre IPSOS-SPF 2014 qui analyse des données collectées dans les permanences du Secours populaire montre qu’une part croissante de la population en est réduite à survivre.
Mais c’est 13 milliardaires de plus cette année, 15 % d’augmentation du patrimoine des 500 plus grosses fortunes, je crois même que c’était 25 % l’an dernier, tout cela sous un gouvernement socialiste.

Le chômage atteint des sommets insupportables mais nous refusons de partager le travail comme l’a fait l’Allemagne, le Canada ou les États-Unis.
Pourtant une étude récente du cabinet Roland Berger prévoit la destruction de 3 millions d’emplois en France d’ici 2025 grâce à la numérisation de notre économie.
Déjà près de 6 millions de chômeurs et 9 millions de pauvres, je ne compte même pas tous ceux qui sortent tous les jours des chiffres du chômage sans avoir trouver un emploi. Qui peut croire que « la réindustrialisation » remettra la France au travail quand nous produisons toujours plus avec de moins en moins de travail humain ?

Comment croire que les cadeaux fiscaux accordés aux entreprises vont relancer l’économie alors que nous souffrons d’un déficit de la demande à cause du chômage de masse et de la déflation salariale ? Je rappelle que 24 % des SDF travaillent.

La puissance publique qui doit être la courroie d’entraînement de la relance économique en période de crise a baissé ses appels d’offres de 60 %. Tout ça au nom du remboursement d’un déficit contracté auprès des banques que nous avons sauvé.

Tous ceux qui ont voté, comme moi, pour François Hollande ne peuvent plus suivre cette politique. C’est toute la gauche qui est discréditée tandis que prospère le Front national et même de nouveaux partis comme celui d’Alain Soral ou Dieudonné qui se disent maintenant ouvertement « national-socialistes ». Il prospère sur la désespérance des banlieues que nous avons abandonné au chômage et à la précarité.

C’est pourquoi notre prochain congrès ne sera pas comme les autres. C’est l’avenir de notre parti qui se joue et certainement aussi celui de la gauche. Car il n’y a pas de victoire de la gauche sans unité. Et ce n’est pas avec cette ligne politique que nous allons faire le rassemblement.

Alors je le dis à tous ceux qui m’écoutent aujourd’hui, ceux qui veulent l’unité et l’apaisement du parti devront le faire autour d’une autre ligne politique.

Quant à ceux qui ont déjà compris que l’avenir de la gauche est ailleurs, il est tant de surmonter nos divisions et de se rassembler vite car nous n’avons pas plus envie d’une « maison commune » avec la droite que de voir Juppé ou Sarkozy revenir au pouvoir.


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