vendredi 12 septembre 2014

Intervention au Bureau national du 9 septembre 2014

Par Frédéric Lutaud, membre du Bureau national pour la motion 4

Première intervention en réponse à Stéphan LE FOLL, porte-parole du Gouvernement

Chers camarades,

Je me permettrai, moi aussi, de faire un bref rappel historique. En 2010, Martine Aubry organise un cycle de conventions nationales du PS afin de rédiger le projet qui sera, selon l’expression consacrée, la « boite à outil » dans laquelle piocheront les candidats aux primaires pour bâtir le programme présidentiel. Malgré le verrouillage traditionnel de l’appareil, les conventions accouchent d’une orientation marquée à gauche. Il n’est surtout pas question de coupes budgétaires, de « baisse du coût » du travail, d’un « socialisme de l’offre » et encore moins d’allonger les cotisations retraite, ni de revenir sur les 35h et les seuils sociaux, ou encore du travail du dimanche et du « contrôle » des chômeurs.

Aujourd’hui, Manuel Valls, qui a fait 5% aux primaires conduit une politique en totale contradiction avec les aspirations militantes du parti qui a porté François Hollande au pouvoir. Si encore cette politique se traduisait par des résultats, nous serions peut-être plus enclin à tolérer ce déni de démocratie ? Mais non, c’est une catastrophe économique et sociale. Le chômage bat tous les records et la déflation est à nos portes.

Aussi, Stéphane Le Foll, tu nous ventes les mérites du CICE. Je ne doute pas que celui-ci ait pu sauver des emplois dans ta région mais la réalité macro économique nous dit tout autre chose. Au niveau national le volume d’heure travaillée diminue et c’est comme ça dans tous les pays industrialisés. L’emploi recule partout. Par contre le CICE s’accompagne d’effets d’aubaine avec 30% d’augmentation du versement des dividendes. La belle fable sur la réindustrialisation de la France en pleine crise écologique s’accompagne d'un chômage de masse qui s'emplie doublé du creusement des inégalités.

Manuel Valls, qui a fait 5% aux primaires, congédie Arnaud Montebourg qui a fait 17%. Une aberration permise par la Ve République. Je pense comme mes camarades, qu'il est temps de repasser devant les militants. C’est à eux de se prononcer sur cette politique en renouant avec nos principes démocratiques. Poser la date d’un congrès est devenu indispensable.


Deuxième intervention en présence de Éric HEYER, Directeur adjoint au Département Analyse et prévision de l’OFCE et Thierry PECH, Directeur général de Terra nova

Je voudrai répondre à Thierry Pech qui s’interroge sur la nature exacte du manque de débouché des entreprises considérant que nous ne savons pas si c’est un problème de demande ou si c’est un problème d’offre qui ne serait pas adaptée à la demande. Mais je crois que Nicole Bricq alors ministre du commerce extérieur, s’est exprimée sur la question : « depuis la fin 2011, la France a fait mieux que répondre à la demande mondiale qui lui est adressée ». Qu’il puisse y avoir des productions nécessitant certains ajustements pour satisfaire à la demande, c’est certainement le cas, mais nous ne pouvons en tirer aucune généralité. Nous sommes avant tout dans une crise de surproduction avec une occupation à 70% de nos capacités productives. Dans tous les pays industrialisés la part de l’industrie a diminué, sauf en Allemagne qui s’est tourné vers les marchés émergents, mais c’est une exception qui ne change rien à la tendance de fond. Car ce que nous observons, c'est une modification de la structure de la demande. Les populations des pays industrialisés consomment moins de produits manufacturés et plus de services. C'est un fait avéré dans toutes les puissances industrielles. 
Quant à la stratégie allemande, elle ne peut fonctionner que si l'Allemagne est la seule à l’appliquer. Nous ne pouvons pas devenir tous exportateurs comme vient de le démontrer Eric Heyer, surtout au moment où la consommation s'essouffle. Bref, une politique de l’offre est une absurdité quand la demande s’effondre. D’ailleurs toute la démonstration de Eric Heyer vient confirmer le diagnostic de la M4 et représente un cinglant désaveu de la politique du gouvernement. Elle rejoint l'analyse du prix Nobel d'économie Paul Krugman.

La baisse du « coût du travail » est un dumping social intra-européen qui oblige les autres pays à s’aligner en baissant les salaires. Les coupes budgétaires entrainent une austérité généralisée suicidaire pour toute l’Europe. Bref, nous faisons tout ce qu’il ne faut pas faire. Merci de nous l’avoir confirmé.

On parle du modèle allemand, mais il y a toujours un aspect important qui est passé sous silence. Le kurtzarbeit (travail partagé), un dispositif qui a permis à l'Allemagne de maintenir des millions de salariés en activité en passant les entreprises qui le souhaitaient à la semaine de 30h. Ce qui a permis de maintenir un pouvoir d’achat et un niveau de prélèvement, mais aussi aux entreprises de ne pas se départir de leurs ressources et de leur savoir-faire. Voilà, une vraie mesure de soutien aux entreprises dont pourrait s’inspirer la gauche. Car c’est bien le rôle de la gauche que d’épargner aux salariés la misère sociale plutôt que de gonfler les dividendes ? Mais le gouvernement ne veut même pas en entendre parler, pas plus d’ailleurs que la direction du parti socialiste.

Quant à la politique monétaire, qui joue un rôle prépondérant dans cette crise européenne, n’oublions pas que la BCE a injecté 1000 milliards d’euro pour renflouer les banques afin qu’elles jouent leur rôle en tant qu’agents économiques pour stimuler l’activité. Celles-ci n’ont pas fait leur travail. Elles ont reconstitué leurs capitaux et sont reparties spéculer de plus belle, notamment en empruntant à la BCE. Une étude a d’ailleurs montré que cela avait bénéficié aux 10% les plus riches. Ce qui est compréhensible, on ne prête qu’aux riches. Considérant cet échec structurel de notre modèle monétaire, certains économistes pensent que la création monétaire doit être réinjectée dans l’économie réelle à sa base, autrement dit directement dans la population, par exemple sous forme de revenu universel. J’aurai vous connaitre votre avis sur une telle proposition.

- Aucune réponse n’a été apportée sur le revenu universel.


 



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