mercredi 6 novembre 2013

Smart grids : l'Union Européenne avance à tâtons

Sur toutes les lèvres depuis maintenant quelques années, les smart grids peinent encore à s'imposer dans le concret. Pour preuve, sur les 248 projets d'intérêt commun (PIC) soutenus par l'Union européennes, seuls deux mettent en avant les réseaux intelligents. Officiellement, une raison technique explique cette faible représentation : il fallait, pour se voir sélectionner, posséder une dimension transfrontalière. Ou comment scier la branche sur laquelle reposent toutes les promesses d'avenir en matière d'acheminement d'énergie.


L'Union européenne a décidé de donner un coup de pouce aux réseaux énergétiques transfrontaliers. Une enveloppe de 5,85 milliards d'euros leur a ainsi été allouée pour le budget 2014-2020. C'est un tiers de moins que ce qui avait été envisagé en 2011 (9,1 milliards), et certains, à commencer par Günther Oettinger, Commissaire européen en charge de l'énergie, estiment la somme insuffisante.

5,85 milliards d'euros c'est effectivement peu. Pourtant, si la somme paraît dérisoire au regard des travaux encore à accomplir pour installer en Europe un maillage énergétique efficient, elle encouragera certainement les acteurs du privé à investir. Levier plutôt que pactole, l'enveloppe de l'UE, contre toute attente, n'a pas fait la part belle aux réseaux smart grids. Une occasion manquée pour l'exécutif européen de se tourner vers l'avenir. Occasion manquée, aussi, de respecter sa feuille de route.

La Commission européenne s'était fixée un triple objectif pour l'horizon 2020 : améliorer de 20% son efficacité énergétique, réduire de 20% les émissions de gaz à effet de serre et intégrer dans sa consommation énergétique 20% d'énergies de sources renouvelables. Trois fois vingt pour 2020, on saisi le concept. Cela dit, pour ne pas que ces projets joliment marketés restent à l'état d'effets d'annonce, il aurait été bienvenu de venir en aide à davantage de réseaux intelligents.

Personne ne l'ignore, et les huiles de la Commission sur les sujets énergétiques encore moins, les réseaux actuels sont impuissants à atteindre les objectifs définis dans le paquet climat-énergie. "Décarboniser", c'est d'abord moderniser les réseaux. En gros, passer à une nouvelle génération de technologies.

Le 8 mars 2011, la Commission européenne plaçait les smart grids au coeur de son Plan européen pour l'efficacité énergétique, comme alternative visant à réduire la consommation d'énergie. Et pour cause, les smart grids, en traitant numériquement les informations sur l'approvisionnement énergétique, la demande et les modèles de consommation, permettent de calibrer au mieux les réponses en besoins énergétiques, et d'acheminer précisément, du point de production au point de consommation, ce dont ont besoin particuliers et entreprises. Du sur-mesure, en somme, dont l'intérêt premier est d'éviter les gaspillages.

Mais alors, que s'est-il passé pour que cette "solution miracle", plébiscitée par l'UE il y a encore quelques mois, ne soit pas davantage exploitée dans le cadre du soutien aux projets d'intérêt commun ? C'est assez simple en fait. Au moment de définir les critères de financement, l'UE a décidé de ne favoriser que les réseaux transfrontaliers. Ou comment exclure d'office la plupart des projets qui se lancent dans l'aventure smart grids à l'échelle nationale. A se demander si les institutions européennes, qui font tout d'une part pour courcircuiter ce qu'elles veulent mettre sur pied d'autre part, n'auraient pas besoin elles-aussi d'installer des "réseaux intelligents" en leur sein...

Entendons-nous bien. Il n'appartient évidemment pas à l'UE de financer l'ensemble des projets smart grids fleurissant aux quatre coins de l'Europe. Mais dans la mesure où, comme dit plus haut, son enveloppe a moins pour vocation de financer en fonds propres que d'encourager les acteurs du privé à investir à leur tour, favoriser l'essor des smart grids n'aurait pas coûté grand chose. Cela aurait constitué un message fort de la classe politique européenne à moindres frais. "Si vous l'ignorez au niveau politique, vous ne retirerez pas de bénéfices des smart grids pour les consommateurs" alerte Jessica Stromback de la Smart Energy Demand Coalition (SEDC). A bon entendeur...

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