mardi 20 mai 2014

Désintox sur la directive travailleurs détachés

Par Thomas Petit, membre du Conseil national et délégué Europe de la motion 4

La communication faite sur les travailleurs détachés, relayée par les medias, est largement populiste et mensongère. Que l'on ne soit pas d'accord est une chose, que l'on mente pour s'en justifier en est une autre. D'ailleurs, le vote de Marine LePen, farouchement opposée sur les plateaux de télé mais s'abstenant au Parlement Européen, montre qu'elle n'est pas claire avec ce sujet.

Qu'est-ce qu'un travailleur détaché ?

Déjà, ce n'est pas le « plombier polonais » !
Le fameux plombier polonais est l'image d'un travailleur étranger isolé, installé en France, et travaillant aux conditions sociales de son pays (c'est à dire au noir puisque la directive Bolkenstein n'est pas passée1).

Le travailleur détaché est forcément employé par une entreprise, puisqu'il s'agit d'un travailleur envoyé en mission ponctuelle (moins de 2 ans) à l'étranger par son employeur.
Un avocat étasunien envoyé par Goldman Sachs pour étudier un contrat en France serait un travailleur détaché s'il était dans l'Union Européenne. Mais comme il n'est pas couvert par la directive travailleur détaché, il travaille à ses conditions habituelles, celles de son pays d'origine.
Par contre, un plombier polonais employé par une entreprise du bâtiment polonaise sur un contrat obtenu en France sera protégé par la directive travailleurs détachés.

Il ne s'agit donc, en théorie, ni d'un immigré qui va s'installer de manière permanente, et ni d'un travailleur au noir.

Pourquoi une directive des travailleurs détachés ?

La première directive de protection des travailleurs détachés (1996), créant le statut de travailleur détaché, formalisait l'obligation  de suivre les règles minimales du pays d'accueil ou des règles plus avantageuses du pays d'origine.
Seules les cotisations sociales sont payées au niveau du pays d'accueil2.
Les règles concernant le temps de travail, les conditions de sécurité au travail, de rémunération, … sont donc les mêmes que celles d'un travailleur du pays d'accueil.

Mais les employeurs ont trouvé des moyens de contourner la loi sans être atteints par les contrôles et la fraude a augmenté fortement. Ainsi, le nombre de travailleurs soi-disant détachés est passé d'environ 10000 en 2000 à près de 300000 aujourd'hui.
Entre fausses entreprises étrangères employées fictivement comme sous-traitantes, ou travailleurs permanents employés comme détachés, les méthode sont diverses et ont provoqué des situations anormales et donc du dumping social.

La nouvelle directive (2014) n'a donc pas changé les règles vis-à-vis des travailleurs détachés mais a augmenté le niveau de responsabilité des employeurs, notamment dans le bâtiment où le donneur d'ordre peut être condamné pour la pratiques de ses filiales.
De plus, la coopération entre les inspections du travail a été renforcée et sollicitée. Les amendes décidées dans un Etat seront exécutoires dans toute l'Union. Une amende décidée en France devra être payée par une entreprise domiciliée dans un autre pays de l'Union.
Enfin, la définition de ce qu'est un travailleur détaché a été précisée pour ne plus laisser de doute et permettre des contrôles efficaces. Des documents spécifiques devront être produits par l'entreprise ET le travailleurs détaché sur demande d'un inspecteur du travail.

La nouvelle directive détachement des travailleurs ne crée donc pas une nouvelle situation de dumping social mais est au contraire une tentative de régulation du marché du travail.
La volonté de combattre le dumping social est d'ailleurs déjà l'objectif de la directive de 96.

Quelles conséquences politiques ?

Il y a un avant et un après à toute loi.
S'opposer à la directive, c'est préférer la situation actuelle à la situation prévue par la loi.
Les populistes qui s'opposent à cette directive sont donc de fait favorables aux patrons fraudeurs.
Bien sur, ils s'en défendent en disant vouloir totalement fermer les frontières à tout travailleur étranger voulant faire croire que ça protégerait notre économie et nos travailleurs alors que ça créerait une inflation terrible, une forte pénurie des biens de consommation, et un chômage plus grand encore (il y a des centaines de milliers de travailleurs frontaliers français).
En-dehors de cette situation utopique et catastrophique, ils soutiennent donc un statu quo alors que la situation actuelle est justement celle d'un dumping social facilité par les trous dans les règles actuelles.
Comme d'habitude, au lieu de chercher des solutions favorisant les citoyens, les populistes divisent et cherchent des boucs-émissaires.

A l'inverse, les socialistes et notamment Pervenche Beres, tête de liste en Ile-de-France, ont permis de pousser cette directive vers des règles contre les patrons fraudeurs et une amélioration des contrôles par la coopération des inspections du travail européennes. Mais ces règles ne sont ni discriminantes, ni un empêchement à une activité utile.
Les socialistes européens vont plus loin contre le dumping social en voulant instituer un SMIC partout en Europe, un corps européen d'inspection du travail, imposer une responsabilité sociale des entreprises, une politique migratoire équitable.

Il y a donc 2 choix proposés lors de ces élections sur la question des travailleurs détachés : le statu quo laissant faire les patrons voyous, ou le combat contre les pratiques déloyales pour protéger les travailleurs.

Le problème n'est pas l'Europe mais l'orientation politique de l'Europe.
Le 25 mai, faites le choix de propositions réellement utiles pour les citoyens.


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