lundi 2 décembre 2013

"La solution, travailler moins"

Michel Rocard - 26 novembre 2013 - Le Télégramme

À 83 ans, Michel Rocard n'a rien perdu de son phrasé professoral. Ni de ses convictions. Même s'il n'a plus de mandat électif, l'ex-Premier ministre de Mitterrand n'a jamais arrêté la politique.
35 milliards d'augmentations d'impôts en dix-huit mois, c'est un record ! Vous qui êtes à l'origine du RMI et de la CSG notamment, que pensez-vous de la politique fiscale de l'actuel gouvernement et du chantier en cours ?
Le problème est complexe. Il est incontestable que l'impôt est lourd. Mais il l'est partout en Europe et la dimension internationale n'est pas assez regardée. Attention au système monétariste qui régit les USA et la Chine notamment. Cette philosophie de l'économie est un encouragement à l'endettement. Les États-Unis et le Royaume-Uni ont plus de croissance que nous... Mais c'est parce qu'ils font marcher la planche à billets ! La clef aujourd'hui, c'est une modification du système, au niveau européen au moins. Il faut revenir au financement des États par la banque centrale à un taux proche de zéro. Tant qu'il n'y aura pas ça, on sera toujours trop lourdement imposés et on ne pourra pas retrouver une vraie puissance d'investissement.

Et l'écotaxe ?
Il serait suicidaire de l'abandonner. Si on ne fait rien, notre planète va se transformer en véritable poêle à frire. Tout est dans la méthode. Il ne faut pas pénaliser une région particulière. Je dis que, quand un dossier est trop lourd, il faut négocier. Et ça, le gouvernement n'a pas su faire. Il faut mettre tout le monde autour d'une table et ne pas passer en force. Et puis, il y a un drame propre à la Bretagne... Ça se regarde, ça s'analyse, ça se travaille... Il faut du temps.

Ayrault est-il un bon Premier ministre à vos yeux ?
Je ne ferai pas de commentaire. C'est ma famille, on ne critique pas sa famille.

Querelles entre ministres, déclarations contradictoires... On a un sentiment de désordre au sommet... Pensez-vous qu'il faille changer ce gouvernement ?
Sûrement pas. Il faut défendre un programme. On ne gagne rien à changer d'équipe. Aujourd'hui, je crois que les Français ont pris conscience de la gravité de la crise. Il faut maintenant avancer.

Le PS prévoyait un retour à la croissance. Ce n'est pas le cas...
Non, moi, je n'y croyais pas. Il ne s'agit pas d'une problématique française, elle est mondiale. Elle concerne en tout cas tous les pays développés. Il n'y a plus assez de pouvoir d'achat. Il faut sans doute taxer moins les salariés. Il faut, en revanche, revoir l'impôt sur le capital, le gaspillage d'énergie, aussi, ça fait partie de l'équilibre des ressources... C'est un ensemble, et il faut agir sur tous les fronts à la fois.

Vous qui êtes l'instigateur du premier Livre blanc sur les retraites, que préconisez-vous aujourd'hui en la matière ? 
Le Livre blanc était un diagnostic. Et un point de départ très important parce qu'il avait été signé par la CFDT, FO et le patronat. Ensuite, contrairement à ce qui se dit, je ne suis pas un partisan de la retraite à 65 ans... Je ne suis partisan de rien. Quand on a une idée fixe, ça rate. Je dis, là aussi, qu'il faut négocier. Pas concerter, non, négocier... Donnant - donnant...

Pour vous, quelle est la priorité pour sortir de la crise ? 
Travailler moins. C'est le seul moyen pour combattre le chômage. Je prône depuis longtemps une durée hebdomadaire de travail de 32 heures sur quatre jours. En France, un salarié travaille en moyenne 36 heures et demie et il y a cinq millions de chômeurs. En Allemagne, ils sont à 31 heures, idem aux États-Unis et il y a beaucoup moins de demandeurs d'emploi... La corrélation est directe !

Est-ce qu'on sollicite encore votre expertise ? Est-ce que vous vous entretenez avec François Hollande notamment ?
Non, pas avec François Hollande, il a autre chose à faire. Mais oui, on me demande parfois mon avis. Je vois régulièrement mon ami Bernard Cazeneuve, par exemple.


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