dimanche 1 septembre 2013

Financer les retraites, c'est d'abord vaincre le chômage de masse

Par Frédéric Lutaud, membre du Bureau national du PS

« Comment peut-il manquer aujourd’hui de l’argent pour maintenir et prolonger les conquêtes sociales alors que la production de richesses a considérablement augmenté depuis la libération, période où l’Europe était ruinée ? »
                                                                Stéphane Hessel 2010

Nous venons de prendre connaissance du projet de réforme des retraites du gouvernement et c’est avec déception que nous constatons l’incohérence des dispositions. Certaines vont dans le bon sens mais sont immédiatement contredites par l’orientation générale. Ce qui aurait pu être une mesure phare du quinquennat de François Hollande accouche finalement d’une logique comptable déséquilibrée et sans envergure.

Certes, il y a bien la création d’un compte personnel de prévention de la pénibilité et de périodes de coupures dans le travail, l’aide aux salariés subissant des temps partiels, la prise en compte des congés maternités, la possibilité donnée aux étudiants de racheter une année de cotisation retraite, des mesures pour les petites pensions agricoles garantissant une pension minimale. Le refus de recourir à l’augmentation de la CSG est aussi une bonne chose et nous souscrivons à l’augmentation des cotisations dans un pays qui a vu sa richesse produite augmenter de 1000 % en 60 ans. Seulement, depuis 1982, la part des salaires s’est écroulée de 11 points au profit du capital, il nous semble donc naturel que les grandes entreprises contribuent plus que toute autre à l’effort financier pour combler le déficit des retraites. Force est de constater que ce n’est pas le cas dans le projet du gouvernement, car la hausse de la part patronale des cotisations retraites sera entièrement compensée par une baisse des cotisations de la branche famille et la baisse du « coût du travail ». Ce sont donc essentiellement les salariés qui sont mis à contribution.

La disposition la plus grave reste encore l’allongement de la durée de cotisations. Elle n’est pas acceptable ! D’abord, parce qu’augmenter d’un trimestre tous les trois ans de 2020 à 2035 la durée des cotisations revient à maintenir les actifs plus longtemps sur le marché du travail, alors que tant de chômeurs cherchent à y rentrer. Cette mesure irresponsable va aggraver le chômage de masse et les inégalités de pension femmes-hommes (40 % des femmes ne peuvent partir à la retraite à taux plein, contre 23 % des hommes). Ensuite, cette mesure tourne le dos au progrès social dans son ensemble. Si nous avons accompli tous ces progrès technologiques pour réaliser des gains de productivité considérables ce n’est pas pour travailler plus longtemps, mais pour libérer du temps sur le travail productif. Pierre Mauroy disait, lors d’un discours au Sénat, l’importance de la retraite à 60 ans pour les catégories populaires et concluait en s’adressant à la Droite : « La différence entre vous et nous, elle est là : notre priorité, ce sont les travailleurs. ». Allonger la durée de cotisation c’est renoncer aux valeurs du socialisme et à son principe d’émancipation.

Nous sommes très loin de la réforme ambitieuse que nécessite notre régime de retraites par répartition. Car tant que le financement des retraites repose sur les revenus du travail, celles-ci représentent un revenu différé assuré par une solidarité intergénérationnelle. Cela implique prioritairement de résoudre la question du chômage de masse. Tout le monde doit pouvoir travailler pour que tout le monde puisse cotiser, sans quoi l’exclusion d’un nombre croissant de travailleurs creusera toujours plus en avant le déficit. Financer les retraites, c'est d'abord vaincre le chômage.

Sans partage du travail et des gains de productivité, il n’y aura pas de réponse satisfaisante au financement des retraites. Depuis la création du régime par répartition, après-guerre, un salarié est plus de 5 fois plus productif en moyenne, autrement dit il crée 5 fois plus de richesses quand la population n’a augmenté que de 1,6 fois. Nous avons largement de quoi financer notre régime de retraite si nous retrouvons un équilibre dans la répartition des richesses entre travail et capital. Nous ne pouvons accepter que le financement des retraites repose encore une fois sur le sacrifice des salariés.

J’invite donc à signer l’appel de socialistes pour la retraite « Contre tout nouveau recul : pas un trimestre de plus, pas un euro de moins » sur le site www.socialistes-pour-les-retraites.fr.

Chacun doit réfléchir s'il souhaite participer à la mobilisation appelée par la CGT, FO, la FSU et Solidaires, le mardi 10 septembre, afin de le faire comprendre au gouvernement notre désaccord avec des dispositions inacceptables pour le peuple de gauche.

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