samedi 6 juillet 2013

Contrôler la finance

Par Bertrand Laforge

- La monnaie est un bien public (on apprend à l'école que seul l'état a le droit de battre monnaie) mais le système de création monétaire, par la mise au bilan des banques des titres de crédit, opère de facto une délégation d'un droit public. Il résulte de ce mécanisme que les banques de rang II bénéficient de la possibilité de créer de la monnaie dont elles retirent la totalité des revenus au détriment de la puissance publique qui devrait être le récipiendaire des intérêts collectés grâce à la création monétaire (elle seule détient ce pouvoir de création monétaire). Le système actuel ne convient ni pour tenir les objectifs fixés politiquement (croissance de 4,5% par an de la masse monétaire en Euro sur la décennie 2000-2010 alors qu'elle a été de l'ordre de 10% par an sur la période avant la crise de 2008) ni
pour garantir une répartition adéquate de la monnaie crée dont on attend à minima qu'elle soit répartie de manière à garantir le même pouvoir d'achat d'une année sur l'autre aux différents acteurs économiques de la zone euro (malgré la croissante très forte de la masse monétaire, l'inflation a été faible dans la zone euro, ce qui traduit la formation de trappes à liquidités qui privent l'économie des ressources dont elle a besoin pour fonctionner. La croissance soutenue de la part de la richesse des 1% les plus riches dans la richesse totale est un autre signe de la non neutralité du système choisi même si l'évolution de la fiscalité en Europe en est un autre facteur explicatif très fort).

Proposition 1 :

Dans ce contexte, il convient de demander aux banques de tenir à jour un décompte des intérêts qu'elles perçoivent au titre de l'usage de la création monétaire d'une part et ceux qu'elles perçoivent du fait d'une mobilisation de leurs fonds propres (fonds de réserve essentiellement) d'autres parts. Je propose ensuite que la part d'intérêts provenant de l'usage de la création monétaire soit presque intégralement reversée au budget européen. Il conviendra de définir un petit pourcentage de ces intérêts qui sera laissé au banques pour couvrir le risque sur la totalité de la monnaie créée qu'elles assument et aussi de sortir ces intérêts des bénéfices des banques afin de ne pas les fiscaliser sur une revenu quelle ne perçoivent pas in fine. C'est ainsi plusieurs centaines de milliards d'euros qui pourraient alimenter les politiques publiques européennes et financer la construction d'une Europe socialement et fiscalement convergente tout en donnant immédiatement des ressources pour combattre la crise.

Proposition 2 :

La possibilité laissée aux banques de construire des produits structurés composés à partir de titres de dette qu'elles peuvent ainsi sortir de leur bilan doit être abrogée de manière à ce que ceux qui accordent les crédits soient bien responsables du risque qui est prix lors de la signature du crédit entre la banque et son client.

- Le système de création monétaire par la mise au bilan des titres de crédit a un deuxième effet pervers : il n'assure pas de manière pérenne la création monétaire puisque le remboursement du crédit contribue à la disparition de la valeur du titre de dette et donc conséquemment à une disparition de la monnaie créée lors de l'émission du titre de crédit.
Il résulte de ce mécanisme que la totalité de la croissance monétaire sur le long terme ne repose que sur l'encours de crédit et donc de manière claire sur le volume de dette. Ainsi il apparaît que ce mécanisme tient une responsabilité majeure dans l'explosion de la dette aussi bien privée que publique. Ce fait acte également que la dette ne peut être remboursée qu'à la condition d'accepter une contraction très importante de la masse monétaire actuelle, ce qui aurait comme conséquence de geler l'économie européenne.
Par ailleurs, on comprends très bien qu'in fine, le système de création monétaire par le crédit n'assure au final qu'un transfert de la monnaie existante (si on raisonne au niveau d'un crédit unique sur la totalité de sa durée de vie c'est une évidence) vers le système financier qui agrège les intérêts. Ceci va à l'encontre de l'objectif que devrait avoir un système de création monétaire efficace qui est de garantir une répartition de la monnaie nouvellement créée envers la totalité des acteurs économiques afin de maintenir a minima de maintenir la capacité d'échange de chacun devant le changement macroéconomique (plus de produits à échanger entre plus d'acteurs économiques) intervenant d'une année sur l'autre. Ce système monétaire doit avoir également comme objectif le maintient de la possibilité donné à la monnaie d'être une valeur de réserve en garantissant une inflation maîtrisée.

Proposition 3 :

Je propose que la création monétaire soit assurée par la BCE versée sous la forme d'un dividende monétaire universel (DMU) versé à chaque citoyen européen. Les banques seront alors tenues de prêter de l'argent dont elles ont 100% des réserves sur la base des dépôts que cette distribution du DMU occasionnera. Par ailleurs, une directive très claire devra rendre obligatoire la mise sur le marché interbancaire d'une très grande fraction des dépôts non prêtés de manière à garantir l'accès au crédit dans toutes les banques et rendre impossible la constitution de trappes de liquidités.

Proposition 4 :

Un contrôle démocratique de la BCE doit être mise en place. Elle permettra à la fois de garantir l'indépendance de la BCE vis à vis des exécutifs des états membres qui pourraient être tentés de résoudre leurs problèmes budgétaire par de la pure création monétaire non justifiée (ce qui du coup entrainerait de l'inflation galopante) mais elle permettra aussi de faire en sorte que la BCE interviennent directement pour financer les lourds investissements collectifs d'avenir. Cette question est déterminante par exemple pour dégager les moyens de la nécessaire transition écologique qui est devant nous. Je propose que le gouverneur de la banque centrale soit élu par les citoyens européens au travers d’une élection européenne et que son board soit l'émanation du résultat d'une élection démocratique permettant d'élire les gouverneurs à la tête des banques centrales nationales.

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