mardi 20 juin 2017

Nous y sommes ! La gauche au pied du mur

Par Frédéric Lutaud

Nous le savions depuis que la gauche avait persisté dans la division à la présidentielle : « S’il y a deux candidats de gauche importants, c’est foutu. […] Tous les beaux programmes, tous les projets de gauche seront rangés dans les placards, tiroirs du bas, dès 20 heures le 23 avril 2017. Il restera peu de députés socialistes, et zéro député PCF, zéro député Vert, zéro député PG… » Voici ce qu’écrivait Gérard Filoche, il y a 9 mois. Force est de constater le caractère prémonitoire de cette déclaration. Si le nombre final de députés de gauche ne s'avère plus important que prévu, la situation politique n’en est pas moins désastreuse.

La gauche est un champ de ruine. La compétition fratricide que se sont menés Hamon et Mélenchon a démobilisé l’électorat de gauche qui s’est abstenu comme jamais aux législatives (57 %). Incapables de s’entendre, ils ont permis à Macron d’accéder au pouvoir et d’obtenir la majorité absolue. Ce que nous devions à tout prix éviter est arrivé.

Salariés, retraités et chômeurs s'apprêtent maintenant à subir la plus grande entreprise de démolition de notre modèle social. La nature réelle du pouvoir en place n'a jamais été centriste et encore moins ni de gauche ni de droite, comme annoncée par Macron, mais bien au service de l'oligarchie libérale qui entend en finir une fois pour toutes avec l’héritage du Conseil National de la Résistance. La finance a pu imposer son candidat à la droite conservatrice. Macron sera dorénavant l'instrument « jupitérien » de la guerre de classe déclarée au salariat. Le Royaume Uni a eu Thatcher et Blair, l’Allemagne Schröder, les USA Reagan et Bush, en France la finance attentait son héros, fabriqué de toutes pièces par les médias dominants aux mains d’une poignée de milliardaires.

Ce qui distingue la gouvernance Macron, c’est la violence des coups qu’il s'apprête à porter.

La mission de Macron consiste à détruire méthodiquement le droit du travail, casser la Sécurité sociale et atomiser définitivement l'éducation nationale. Rien de très neuf dans les objectifs que se fixe la droite depuis des années, mais ce qui distingue la gouvernance Macron, c’est la violence des coups qu’il s'apprête à porter. Et la Ve République et ses ordonnances lui laissent toutes latitudes pour y parvenir.

Avec l’inversion de la hiérarchie des normes, il parachève ce qu’il avait entrepris avec la loi El Khomri. Les luttes sociales et syndicales qui ont écrit le droit du travail sont renvoyées dans les poubelles de l’histoire. Dorénavant, la solidarité ouvrière généralisant les conquêtes sociales, grâce aux accords de branches, disparaît pour des négociations de gré à gré entre salariés et patrons. Les entreprises vont ainsi se livrer entre elles à un dumping social mortifère pour les salariés. C’est toute la violence libérale, frappant aujourd’hui les pays anglo-saxons, qui s'apprête à faire irruption dans l'hexagone.

Les attaques portées à la Sécurité sociale ne sont pas moins virulentes. L’enjeu est de taille : la réforme prévoit de remplacer les cotisations patronales par une augmentation de la CSG, avec exonération sur les bas salaires. Cette taxe qui touche tous les revenus, ceux du patrimoine inclus, demeure socialement injuste, puisqu’elle n’est pas progressive contrairement à l’impôt sur le revenu. Mais surtout, financer la protection sociale en fiscalisant salaires, dividendes et autres plus-values spéculatives, c’est détruire les fondements même de la Sécurité sociale. Alors que la cotisation permet de prélever directement sur la valeur ajoutée, avant même les profits, sans passer par les revenus du capital, dont on connaît les capacités d'optimisation fiscale, la fiscalité se contente de prélever après la répartition entre le capital (profit) et le travail (salaire direct). Remplacer la cotisation par de la fiscalité, notamment dans une visée redistributive, est une régression, car c’est un système qui légitime le régime capitaliste sous prétexte d’en corriger les « imperfections ».

La retraite à points, si problématique, est aussi dans les cartons. Macron s'apprête à conditionner le taux de remplacement à « l’achat » de points. Une façon plus ou moins déguisée de tourner le dos à la retraite par répartition, alors que celle-ci nécessiterait une augmentation du taux de cotisation, toujours gelé au profit de la CSG. On entretient ici l’idée très libérale que l'accumulation de points restituerait une partie du salaire, pour mieux rompre avec le principe du régime général qui veut que les retraites soient financées par la valeur ajoutée créée par les salariés. Le salarié est maintenu dans une individuation de sa retraite comme si son employabilité, dont dépend le montant de sa pension, relevait uniquement de son bon vouloir. Autant d’encouragements à recourir à des retraites complémentaires pour ceux qui peuvent se le permettre.

Il faut s’attendre à un combat sans merci dans les mois à venir pour la survie de nos conquis sociaux.

Quant à l'éducation nationale, l’autonomie des établissements va être renforcée. Il s’agit de pousser toujours un peu plus loin la logique libérale qui consiste à ce que les établissements scolaires se comportent comme des entreprises, se livrant une concurrence délétère qui ne peut que servir les intérêts des établissements privés.

Le salariat va-t-il accepter de telles régressions sociales ? Il faut s’attendre à un combat sans merci dans les mois à venir pour la survie de nos conquis sociaux. Marcon s’y prépare. Déjà, de grands médias ont publié une tribune s’inquiétant des procès et autres procédures d’intimidations à leur égard. Le gouvernement prévoit aussi d’introduire l'état d'urgence dans le droit commun. En 18 mois, 155 manifestations ont été interdites sous la mandature Hollande, détournant de son objectif l’état d’urgence pour réprimer les mouvements sociaux et écologiques. Sans nul doute, Macron, qui a été à bonne école, n’hésitera pas à limiter de nouveau les droits constitutionnels du citoyen français pour parvenir à ses fins.

Face à une droite prête à tout, imbue d’elle-même, la gauche en lambeaux doit se ressaisir au plus vite. Partout les débats doivent avoir lieu afin de fédérer les initiatives permettant de reconstituer les forces de combat, sans quoi nous serons laminés. Pire encore, ce serait pousser aujourd’hui les éléments les plus désespérés dans les bras du Front national. Les forces politiques et syndicales n’ont d’autre choix que l'urgence de l’unité. Plus que jamais la gauche est au pied du mur.

7 commentaires:

  1. Tu écris : " Une façon plus ou moins déguisée de tourner le dos à la retraite par répartition".
    Je suis en effet convaincu que c'est le dessein que Macron voue à cette réforme au nom d'une liberté de choix de son âge de départ (ce qui est déjà le cas). cependant, ce (juste) procès d'intention ne me satisfait pas. En effet, en Suède, la répartition est toujours de mise après de nombreuses années de mise en place du système de compte notionnel ("retraite à point"). L'individualisation peut en effet précipiter vers la fin de la répartition, chacun croyant trouver nue meilleure solution individuelle, y compris peut-être dans le système par capitalisation (pour ceux qui n'ont pas entendu parler d'Enron par exemple). Il présente cependant tout de même l'avantage de permettre à chacun de partir l'âge de son choix. Et si cette disposition profitera principalement aux riches, cela aura le mérite de libérer des emplois pour d'autres (les jeunes en particulier). L'injustice entre les CSP+ et CSP sera-t-elle aggravée ou pas ? Je n'en sais rien.

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    1. La question ici est de savoir quel modèle de société nous voulons. Un sytème qui légitime la logique capitaliste en intégrant une rétraite par points qui laisse croire que chacun est responsable de sa retraite. Ou bien un système de répartion qui socialise une partie du PIB en le consacrant à ses vieux, à la santé, aux familles, etc... Voir qui socialise un jour l'intégralité de la richesse produite. C'est là le véritable enjeu politique : le socialisme.

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    2. Désolé mais cela ne répond pas à mon interrogation.
      Vous postulez - une secodne fois - que le système à point est le cheval de troie d'un système par capitalisation.
      Il me semble que actuellement notre retraite est plus ou moins dépendante de nos cotisations. Ce n'est certes pas une relation identique pour tous les cotisants mais il y a bien une individualisation qui a toujours existé (les 37,5 annuités de cotisation par exemple). Et pourtant nous avons encore un système par répartition.
      Le procés d'intention ne me semble pas un argument recevable en tant que tel pour ceux qui apportent leur crédit au gouvernement actuel. La Suède - que j'ai évoquée précédemment, est un excellent contre exemple. Disposez-vous de contre-contre-exemple ?
      Je ne comprends donc pas l'argument : "Un sytème qui légitime la logique capitaliste en intégrant une rétraite par points qui laisse croire que chacun est responsable de sa retraite". Ou est la logique capitaliste dans le fait que l'on a toujours eu une retraite lié (pas forcément proportionnalité directe et unique pour tous) à notre taux et durée de cotisation. Cela n'empêche pas la prise en compte d'autres paramètres de type "accidents de la vie" (pénibilité, interruption pour maternité, formation, chômage, santé, ...) ?

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  2. La gauche n'est que ce que l'opinion publique lui permet d'être en soutenant les idées et le programme politique qu'elle défend. La question de l'unité n'est que secondaire : PCF + FI + quelques micro partis (ENsemble, NPA? LO, ...)ne constituent pas, aujourd'hui, plus de 30% des VOTANTS. Difficile de mettre en oeuvre une politique de gauche radicale avec si peu de soutien. Car les oppositions de droite ont aussi du pouvoir. Pas dans la rue, mais bien ailleurs, et plus discrètement !

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    1. La gauche fait 30% comptablement quand on additionne les divisions, mais quand elle est unie, c'est tout autre chose. L'espoir renait dans les luttes sociales et la résignation source de l'abstention disparait. Ce sont des millions de gens qui se prennent à espérer d'un monde meilleur, qui se mobilisent. La leçon du Front populaire est exemplaire à cet égard. La division tue la gauche, l'unité la galvanise. Et comme les laissés pour compte et les indignés sont les plus nombreux, nous sommes en mesure de penser que nous pouvons faire avancer l'histoire... comme toujours.

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    2. OUi en effet si l'on totalise ce que le ministère de l'intérieur classe "à gauche" (le ps ?) + écologiste (lesquels ?) 28,33%, à la louche 30% des exprimés
      Extrême gauche 0,77
      PCF 2,72
      La France insoumise 11,03
      PS 7,44
      PRG 0,47
      Divers gauche 1,6
      Ecologiste 4,30
      TOTAL : 28,33% des exprimés

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  3. Oups : ne prenez pas la peine de me répondre car je n'ai ni jugeote ni conscience politique.
    Z'êtes de la famille de Finckie ou de celle de BHL ?

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